Accueil > Critiques > 2013

Albin de la Simone - Un Homme

dimanche 7 avril 2013, par marc

Forme olympique


On attendait Un Homme (un vrai). Parce qu’il y a un an et demi déjà, certaines chansons entendues à Spa donnaient envie, très envie. Pourtant, on n’a rien vu venir. On connaissait Albin, son ton doux-amer, sa capacité à manier un humour pince-sans-rire et une lucidité rare. Son album de rupture Bungalow ! maniait tout ça, avec une belle énergie, avec une apparente facilité pop. Mais si on retrouvait déjà un ton mélancolique, il y avait des moments bien délirants, avec chœurs à l’hélium et paroles lysergiques.

C’est pourquoi quand on se retrouve face à ce sérieux de surface, on est impressionnés. Certes, Mes Epaules ne laissait pas présager de changement copernicien, mais il y a une humanité tellement palpable, une humilité tellement touchante, qu’on sait qu’on s’apprête à passer un grand moment. Et ça se confirme avec Mort En Plein Air dont on avait déjà pu goûter le déconcertant Comment Allez-vous ?/Comment allez-vous faire/Comment allez vous faire foutre. Il fallait de la concision dans la forme et une pudeur sans faille pour la réussir sans (trop d’) amertume. Il faut aussi beaucoup de retenue pour que la rupture d’Ici Hier ne soit pas geignarde.

Cet album trouve le ton juste, le recul nécessaire. Il faut aussi reconnaitre que c’est un album entièrement à la première personne. Ma Crise ne fait aucune allusion à la réalité économique mais fait le tour d’une personnalité complexe.

On a l’impression d’un album monocolore, un peu uniforme. Ça c’est pour la première écoute. Et puis, elles se succèdent, forcément. Et arrive ce moment magique qui se produit une poignée de fois, celui où on réalise que la cote maximale est la seule acceptable, la seule qui peut rendre compte du charisme et du charme de cet Homme. Parce que tous les titres fonctionnent, parce même si on ne comprend pas tous les tenants et aboutissants de La Fuite, le piano y est très beau. La musique n’est en tout cas jamais vraiment plombante, et il y a une finition impeccable, ce qui a sans doute contribué à la longue gestation entrecoupée de nombreux concerts. Le violon y est souvent discret mais très judicieux sur e plus léger Tu Vas Rire ou La Première Femme. Bonne idée aussi d’avoir recours à la voix d’Emiliana Torrini sur Moi Moi.

Non, ce n’est pas l’album des débuts de soirée tonitruants, de l’échauffement collectif avant de sortir. Mais avec dix titres et 34 minutes, on ne décèle pas un seul gramme de graisse ou de sucre. Un Homme est un album abouti, mature, équilibré d’un artiste au sommet de sa forme. A l’instar de Vers Les Lueurs l’an passé, on sait qu’on n’usera jamais cet album, qu’on le ressortira demain ou dans dix ans. Un Homme est un album conçu pour durer, il en a l’aspect hiératique, poli mais pas étanche à l’émotion.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

1 Message

  • Albin de la Simone - Un Homme 15 avril 2013 16:43, par Verno

    Encore une fois ce blog m’aura fait faire une belle découverte.
    Albin possède un talent d’écriture incroyable et je suis bluffé par le pouvoir d’évocation que révèle chaque chanson, en quelques mots tout est dit "Sur la peau pâle d’une épaule, deux lettres de cyrillique / et la blessure d’une bretelle, rouge brique" on est pas loin du haiku...
    Cependant là où l’épure des textes est admirable et touchante grâce à ce petit brin de voix, elle est moins grisante quand elle s’applique aux accompagnements. C’est fade, trop minimaliste ! Il faudrait repasser ce disque à la moulinette Sufjan Stevens ou Joanna Newsom...

    repondre message

  • Dominique A – Quelques Lumières

    On connait pourtant bien la discographie de Dominique A. On l’a vu en concert en salle, en plein air, en festival, tout seul, en trio, en quatuor, avec une section d’instruments à vent, délicat ou très bruyant, acoustique ou post-rock. On sait qu’il peut tout tenter et tout, Donc une relecture avec orchestre ou plus intimiste, pourquoi pas ?
    La réponse cingle après quelques secondes, avec la (…)

  • Ektör - Ektöristan

    Cette nouvelle sortie de Bitume productions ne fait pas dans la musique extrême, c’est à signaler au moment d’aborder cet étrange objet musical. On est plus dans les dingueries math-rock et prog, le genre qu’on avait entendu du côté de Chocolat Billy ou Joy as a Toy. Et pour assumer le genre, il faut du niveau, qui est là d’emblée et reste tout au long de ce court album sans scorie.
    Ceci est (…)

  • Paris Orly – La Réserve

    Le fond et la forme. La forme et le fond. Paroles et musique. La dualité est bien connue et on la retrouve ici, bien mise en avant sur ce premier album de Stéphane Loisel. Des mélanges sont encore à tenter et celui-ci a sa personnalité propre.
    Sur la forme tout d’abord, on peut dire que c’est réussi puisque des versions instrumentales pourraient fonctionner. Italo-disco, electro, le (…)

  • Claude - In Extremis

    Si quand on vous dit ’In Extremis’ vous pensez Francis Cabrel, il est temps de se pencher sur les plus jeunes pousses de la chanson française. Outre Oscar Les Vacances dont on aurait dû vous parler, on avait déjà identifié Claude comme un espoir certain après un premier EP qui avait marqué.
    Aucun morceau de cette première publication ne se retrouve ici, mais l’éclatement des aspirations est (…)