lundi 7 juillet 2014, par
Passionnant Ennui
Le monde s’ennuie, le monde a besoin d’idoles. Ces deux clichés peuvent faire figure d’axiomes, à partir desquels bien des comportements découlent. Sans vouloir entrer dans de la sociologie de comptoir, il faut quand même constater qu’il y a toujours eu des icônes, des personnes identifiables et reconnues. Pour leur talent ou pour le simple fait d’être connues.
Si je m’étonne encore qu’il suffise parfois de se prendre pour une vedette pour en devenir une, il y a du talent ici, du vrai, une personnalité, aussi indéfinissable et évanescente soit-elle. On ne sait finalement rien d’Elizabeth Woolridge Grant, elle pourrait bien ne pas exister, n’être qu’une figure en silicone ou un hologramme ou un concept d’un génie tordu que ça ne changerait rien. Ses interviews passablement wtf l’éloignant encore de notre monde.
Lana est donc devenue un symbole, une figure sur la lassitude du monde comme Greta Garbo qui nous disait ‘I want to be alone’ dans Grand Hotel. Le premier morceau montre son ambition de devenir la reine du spleen. Le pire, c’est qu’elle n’est pas loin d’y arriver. Le buzz étant maintenant passé, c’est sans doute sur la musique qu’il convient de juger Lana. Et c’est tant mieux. Pas d’opprobre ni de dévotion, c’est ce qu’on avait déduit. Cette fois-ci, ce n’est pas une feinte indifférence qui tente d’être objective, mais l’acceptation qu’il y a une artiste (ou une entité créatrice quelconque) derrière ce visage impassible.
Avec 11 morceaux dans sa version de base, la dose est bien plus supportable. Elle n’a pas cédé à la pression, ce qui est peut-être un bénéfice collatéral de l’ennui. Parmi les incontestables réussites, on classera Shades Of Cool qui explose alors qu’on s’apprêtait à savourer peinard. L’intro sonne comme un appel du pied, cette femme-là fera un générique de James Bond un jour. Ou alors je ne comprends plus rien. Pour le reste, il n’y a plus les morceaux un peu décevants de Born To Die. Certaines tentations modernistes étant remplacées par quelques morceaux d’une tristesse old school insondables (The Other Woman). Oui, c’est kitschissime, sans doute aucun mais force est de constater que l’effet voulu est parfaitement rendu. Il faut sans doute remercier Dan Auerbach des Black Keys pour son boulot à la production. Pour le futur, il faudra sans doute empêcher ces chansons de se ressembler, l’uniformité n’est en effet jamais loin.
Dans les moments de bourdon récent, ce n’est pas si éloigné que ça de l’album de Lykke Li mais avec plus de panache et de sens du pompier (Cruel World). La voix cassée sur Pretty When You Cry contient la fêlure d’El Perro Del Mar. Il faut en tout cas un peu de détachement et un gros aplomb pour asséner You say I’m too young to love you/You say I’m too dumb too sing/You judge me like a picture book (Brooklyn Baby)
Il reste tentant de la mettre dos-à-dos avec Bat For Lashes, surtout pour montrer l’écart abyssal entre leurs personnalités avouées et leurs prestations scéniques. J’ai vu les deux sur la même scène à quelques heures d’intervalle et c’est cette affectation qui est insupportable, c’est de la minauderie de quelqu’un qui semble timide mais vouloir l’amour des masses plus que tout alors que la noirceur des morceaux de Natasha Kahn est contrebalancée par un sourire et un abattage énormes. C’est indéniablement ce côté fake qui est la principale limitation de sa discographie. Les albums donnent envie d’y croire, les prestations live bien moins.
A une époque où la célébrité ne réclame pas nécessairement de talent (Nabila a même le droit de vote), celui de Lana interroge. Dans un autre monde, ce pourrait être une perle cachée, mais non, elle a un succès que la noirceur de sa musique ne pouvait pas laisser deviner. Donc on est toujours perplexe devant les réactions d’une foule. Mais pour le coup, cet album nous éloigne définitivement du camp des grincheux. Si son premier essai comportait trop de scories pour quelques pépites, celui-ci inverse clairement la tendance.
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