Accueil > Critiques > 2014

Tindersticks - Ypres

mardi 4 novembre 2014, par Mathusalem


Que ceux qui n’ont jamais ressenti l’oppressante sérénité d’un cimetière militaire me jettent la première pierre...On pourrait en faire des tonnes, On pourrait y aller au cynisme, au faussement frivole, mais on sent bien que cela relèverait du sacrilège.

Tindersticks a reçu une commande de la ville d’Ypres afin de meubler musicalement l’exposition dédiée à la première guerre mondiale... La bande à Staples s’est attelée à la tâche... Le résultat est immédiat, une immense gifle glacée et visqueuse en pleine figure, une musique qui ne s’attarde pas à expliquer la mort, ce serait tellement facile, mais bien l’absence totale d’espoir... La batterie désabusée et la voix de Stuart Staples, si caractéristiques n’y sont pas présentes...Ce n’était pas le but, on ne pouvait, dans des circonstances pareilles, mettre l’effet Tindersticks en avant... Non, la musique est ici entièrement vouée au souvenir de la guerre, de la boue, de l’attente résignée d’une balle, d’une bouffée de gaz ou d’une volée de Shrapnels.

Des phrases toutes faites qui s’écrivent spontanément dans la tête sifflent et tombent, comme des évidences, des obus...Des phrases qu’on n’a même pas envie de relier afin d’en faire un joli texte tant elles se suffisent à elles-mêmes.

Ypres s’écoute comme Proust se lit, par saccade, par épisode, la densité dégagée par l’un comme par l’autre étant à long terme difficilement assimilable...

Tindersticks a réussi en musique ce que Tardi avait fait en BD...
Et cette pochette qui devrait si bien parler aux Britanniques... Au-delà de la mer, on y voit la mort.

On cherche vainement quelques qualificatifs aussi, parce que, une critique, c’est avant tout trouver des mots... Le terme « poignant » s’impose rapidement, mais c’est encore beaucoup trop inoffensif, trop « Fleur bleue »... Et on hésite, submergé par l’émotion, à sortir le dictionnaire des synonymes... On abandonne vite, on se résigne et on choisi de poursuivre l’écoute, par respect...C’est ça oui... Par respect. De par le statut hors concours de cet album, une cotation serait malvenue, je pense... Par égard pour tous ces gens.


Répondre à cet article

2 Messages

  • Tindersticks - Ypres 4 novembre 2014 16:05, par Le Sto

    J’ai fait l’erreur de l’écouter d’abord de manière attentive et j’ai trouvé cela un peu étouffant. Par contre en écoute "distraite", c’est assez beau...

    repondre message

    • Tindersticks - Ypres 4 novembre 2014 21:42, par Mathusalem

      @ Le Sto : Hé oui, cet album n’est, au départ, pas destiné à se suffire à lui même,ce n’est jamais qu’une bande son... Mais qui, en y associant d’autres medias (Pour l’instant et pour ma part imaginaires, vu que je n’ai pas vu l’expo) devrait gagner en signification... A lui seul, en tout cas, il a déjà un pouvoir d’évocation , de suggestion, assez puissant, assez étouffant, comme tu le dis...Il faut dire qu’il est passablement éloigné, dans sa construction, de ce que nous propose d’habitude la bande à Staples...

      repondre message

  • Sarah Mary Chadwick - Messages To God

    Dans une ère où toutes les émotions sont passées sous l’éteignoir d’une production qui lisse, il est plaisant de rencontrer des voix (forcément) discordantes comme celle de la Néo-Zélandaise Sarah Mary Chadwick sur son huitième album solo. On se frotte d’emblée à ce ton naturaliste et direct qui n’est pas sans rappeler Frida Hÿvonen. Frontal donc, d’une sincérité qui peut aller jusqu’au malaise. La dernière (...)

  • Anohni and the Jonsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

    Une limitation connue de la critique est qu’elle intervient à un temps donné, dans un contexte. Or on sait que les avis ne sont jamais constants dans le temps. Ainsi si I am a Bird Now a beaucoup plu à l’époque, on le tient maintenant comme un des meilleurs albums de tous les temps, tous genres et époques confondus. Cette proximité crée aussi une attente quand que les Jonsons sont de nouveau de la (...)

  • Jungstötter - Air

    Quand on a découvert Jungstötter, c’était presque trop beau pour être vrai. En se situant aux confluents de tant de choses qu’on aimait comme Patrick Wolf ou Soap&Skin (dont il a assuré les premières parties) ou Anohni, il a délivré avec Love Is un de nos albums préférés de ces dernières années. C’était aussi l’occasion de retrouver des collaborateurs talentueux comme P.A. Hülsenbeck qui d’ailleurs est (...)

  • Lana Del Rey - Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd (...)

    Généreuse dans l’effort, Lana Del Rey l’est certainement, et il faut l’être pour livrer aussi régulièrement des albums aussi consistants. Surtout s’ils sont entrecoupés de recueils de poésie. Maintenant, on peut s’affranchir d’un rappel des faits précédents. On remontera juste jusqu’au formidable Noman Fucking Rockwell ! pour signaler qu’il y a eu deux albums jumeaux en 2021 qui l’ont vu à la fois revenir à (...)