lundi 9 février 2015, par
Nous sommes en 2015 et plus personne ne s’étonne ou ne s’offusque à l’écoute d’un album de Panda Bear. Certes, le public potentiel n’est pas énorme et concerne une poignée (une grosse poignée tout de même) d’habitués mais il faut rendre hommage à Noah Lennox (seule personne sur ce projet) et ses comparses d’Animal Collective pour avoir transformé progressivement notre façon d’écouter leur musique. De plus, ils sont plus ou moins sortis des radars de la nouveauté à tout prix et les suiveurs autrefois nombreux se raréfient. Evidemment, si vous n’êtes jamais arrivés à boucler l’écoute d’un album d’Animal Collective, vous avez déjà tourné les talons.
Mais ce n’est pas Noah Lennox qui va infléchir sa trajectoire pour la peine. Huit ans après un Person Pitch impressionnant, il revient pour une nouvelle réalisation qui permet de voir tout le chemin parcouru. Ce qui a changé ce n’est pas seulement sa musique, mais sa vie.
Le Grim Reaper dont il est question dans le titre, c’est une des personnifications de la mort. Donc un équivalent à ce titre pourrait être « Panda Bear rencontre la grande faucheuse ». Ce n’est pas seulement un contrepoint à sa musique (on y reviendra) mais une allusion à un thème récurrent à cet album qu’il n’a pas voulu comme purement autobiographique. Tout comme le Down There d’Avey Tare parlait de la lutte de sa sœur contre le cancer (j’avoue que ça m’avait un peu échappé à l’époque), on décèle entre les mots le décès de son père. Pour pouvoir mieux traiter d’un sujet pareil sur Tropic of Cancer, il s’éloigne encore un peu plus de la mélopée qui fait le sel de ses morceaux pour une écriture plus frontale. En clair, si le propos nous échappait souvent en tant que non anglophones natifs, ce n’est plus toujours le cas. Autre caractéristique, c’est une boucle de Casse-Noisette qui sert de gimmick.
Cette évolution déjà perceptible sur Tomboy se fait par touches. On retrouve en effet cet amour des voix qui rebondissent (Boys Latin), ces harmonies vocales que d’aucuns ont rapproché des Beach Boys pour ne pas admettre qu’il s’agissait de quelque chose de bien plus neuf. Il y a donc de vraies mélodies sur Acid Wash. Le résultat est une pop acidulée, qui pétille en bouche, avec des parfums artificiels bien entendu, mais tout-à-fait réjouissants.
Il n’y a pas que la grisaille et la noirceur qui peuvent rendre compte de la mélancolie. On est dans une forme presque opposée à celle de Joy Division mais comme disait Jacques Brel à propos des Marquises ’Et s’il n’y a pas d’hiver/Cela n’est pas l’été’. Il faut donc aborder ce soleil comme une composante immuable, pas comme une trouée dans la brume. Ces morceaux ne sont donc pas baignés d’une lumière de vacances, mais passées à travers un kaléidoscope qui réorganise les rayons lumineux. On sait que ce n’est pas un filtre sonore placé comme cache-misère mais une écriture consubstantielle à sa forme.
Finalement, cette musique assez compliquée à décrire et qui pourrait apparaître comme intellectuelle s’adresse plus directement aux sens. Il dit s’être inspiré du hip-hop des années ’90 ou des remixes ‘dub’ d’albums connus pour trouver une pulsation à cet album. On peut aussi songer à la relecture dub de Protection de Massive Attack par Mad Professor (et intitulé No Protection) et qui arrivait à réchauffer la froideur du collectif de Bristol. Cette coloration est ici directement incluse.
Et comme souvent, ce sont les morceaux qui bénéficient le plus de cette vibration qui sont les plus réussis, comme Come To Your Senses ou le percutant Mr Noah. J’avoue que personnellement, je le trouve moins touchant dans la pure rêverie (Lonely Wanderer).
La frontière entre art figuratif et art abstrait est parfois floue et on sait qu’on peut retrouver des chefs-d’œuvre à cette frontière. Pensez à Monet ou Turner en peinture par exemple. On n’avait distingué jusque maintenant que peu d’écriture véritable chez Panda Bear mais la situation change progressivement sans que la forme ne se dénature. Il est en tout cas un de ceux (avec Bradford Cox de Deerhunter et Atlas Sounds) qui pousse le plus loin le potentiel pop de cette musique.
Difficile de revenir après plusieurs années d’absence, surtout si on était associé à un courant qui s’est un peu éteint. C’est en effet dans la vague freak-folk, mêlant écriture et musique aérienne et organique à la fois qu’on avait placé DM Stith. Avec son pote Sufjan Stevens ou autres Grizzly Bear, il était même un des plus éminents représentants de ce style qui nous a valu bien du plaisir.
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