Accueil > Critiques > 2015

Oiseaux-Tempête – Ütopiya ?

lundi 4 mai 2015, par marc


Le cliché veut que toutes les formations de post-rock se ressemblent. A première vue, c’est assez vrai, je pense que peu de personnes s’en sortiraient honorablement au blind-test (moi le premier), cependant une écoute plus attentive permet souvent d’aller plus loin. Si beaucoup d’albums passent entre mes oreilles avec plaisir mais sans que je ne trouve quoi que ce soit à en dire, il y a tout de même de temps en temps suffisamment de matière pour qu’on puisse au moins filer le tuyau à ceux qui pourraient être intéressés.

Une des difficultés quand on aborde le genre est que la différentiation se fait d’abord par le son, son grain, ses textures, par essence des choses compliquées à quantifier. Et ensuite le ressenti. On vibre ou pas, on entre en résonnance ou non, ce qui est l’angle d’attaque privilégié quand on aborde une critique. C’est aussi pour ça que tous ces groupes sont toujours plus intenses sur scène que sur album, quand on ajoute le son dans l’équation. Godspeed, 65 Days Of Static, Mogwai ou Cecilia::Eyes en concert, c’est une expérience.

Publié par le label belge Sub Rosa, ce second album du groupe basé à Paris est en tout cas très évocateur. Le son, justement, est ici puissant et subtil. Le batteur Ben McConnell a accompagné des artistes aussi divers que Marissa Nadler, Beach House ou Au Revoir Simone et apporte une certaine finesse à l’ensemble. Avec Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul, ils ont eu la bonne idée de collaborer avec le clarinettiste Gareth Davis.

Cet apport ouvre de belles perspectives. Et ce dès le premier morceau élancé et atmosphérique. Someone Must Shout That We Will Build The Pyramids présente une entêtante basse, une clarinette en liberté et frappes chirurgicale. On n’est pas loin de l’esprit free-jazz parfois (Soudain Le Ciel) mais c’est nettement moins démonstratif et plus spectaculaire parce qu’il y a de la déflagration là-dedans.

L’inspiration de cet album est visiblement née d’une visite en Grèce dont le contexte politique et économique explosifs. Il y a donc quelques paroles sur Ütopiya/On Living et cette voix s’intègre bien. La basse a beau rester subtile et la batterie pas trop lourde, il y a de la puissance, de beaux passages intenses, avec la voix en avant-plan et d’une manière générale une belle maîtrise. Le passage de chœur sur Requiem For Tony qui pourra évoquer A Saucerful Of Secrets. Oui, il y avait déjà en germe pas mal de grammaire post-rock chez Pink Floyd. Il suffit d’un peu de beat pour qu’ils nomment Yalla Carga (Dance Song).

Il y a une première fin d’album par l’apaisé Aslan Sütü. Et puis une seconde, en live qui semble plus un bonus et donne surtout envie de découvrir la formation en concert. Le dernier Palindromes Series est assez dantesque avec ses 22 minutes. C’est évidemment un morceau pour ceux qui ne sont pas allergiques à la mise en place longue. Les sept premières minutes n’offrent en effet que peu de variations mais l’ensemble reste impressionnant. Un groupe de post-rock de plus donc ? Oui et non, celui-ci a en effet tellement d’arguments à faire valoir que sa personnalité ne peut que séduire les amateurs du genre.

http://www.oiseaux-tempete.com/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Wyatt E - amāru ultu qereb ziqquratu Part 1

    Le style, les ambiances de Wyatt E. étaient déjà connues et on les retrouve toujours avec autant de plaisir. A la lisière de choses connues (post-rock, doom), ils ont toujours su ajouter une touche personnelle. Il existe des exemples de post-rock avec des ambiances proche-orientales. Citons Esmerine ou Oiseaux-Tempête mais ceci a une coloration différente. L’ambition est d’explorer l’ancienne (…)

  • Yoo Doo Right - From the Heights of Our Pastureland

    Il y aurait beaucoup à écrire sur les groupes dont les noms évoquent des morceaux d’autres artistes. Obligatoire pour les tribute-bands, cet hommage se retrouve souvent entre Radiohead, dEUS ou The Blank Agains ou Don Aman. Si le nom du groupe de Montréal nous a tout de suite évoqué un classique de Can, la musique n’est pas Kraut ici. Ou pas que.
    Même s’il ne convient pas de juger un livre (…)

  • Godspeed You ! Black Emperor - No Title as of 13 February 2024 28,340 Dead

    La musique, ce n’est pas seulement ce qu’on entend, c’est aussi ce que l’on projette. Fort de cet adage un peu ampoulé, on peut admettre que de la musique instrumentale puisse avoir un contenu politique. Et les Canadiens de Godspeed You ! Black Emperor en connaissent un rayon en la matière. Leur huitième album n’est pas tellement un cri de révolte ou un appel à la paix inenvisageable à l’heure (…)

  • Mono – Oath

    Ce qui est rare est précieux. Et dans un contexte musical où le post-rock se raréfie, les plaisirs que confèrent une formation comme Mono ne sont pas reproductibes par d’autres genres et deviennent d’autant plus précieux. Mais cette rareté ne confère pas pour autant le statut de chef-d’œuvre au moindre album du genre, loin s’en faut même.
    Une fois ces généralisations balancées, penchons-nous (…)