Accueil > Critiques > 2015

HEALTH - Death Magic

jeudi 27 août 2015, par marc


Peu de groupes dégagent encore une vraie fascination, dégagent un vrai danger en concert. Si on est sans doute loin des premières prestations punk historiques, voir HEALTH en concert a (presque) toujours été une expérience, qu’on s’empresse de faire partager à tous les esprits curieux qui passent par là. En effet, les albums, déjà aboutis et plutôt bruts, sont moins ultimes que leur exécution en direct. Ce qui est commun par contre, c’est un enchainement sans pitié qui renforce l’expérience. Car les deux sont impeccablement séquencés.

Victim est donc une introduction avant qu’on ne retrouve tout-à-fait ses repères avec un Stonefist qui frappe juste et fort, avec déjà quelques sons un peu rêches et une voix douce. Et puis leur intransigeance monte d’un cran avec Men Today. On le voit, ils ne veulent pas à tout prix prendre l’auditeur à rebrousse-poil.

La voix, masculine (même si ce n’est pas trop facile à discerner de prime abord), est assez unique dans le genre. Très douce, elle pourrait rendre le tout plus mièvre mais comme la musique reste assez intransigeante le contraste marche en plein. Dans un genre connexe, Trent Reznor qui avait eu la bonne idée d’embarquer les Californiens en tournée propose lui aussi une musique un peu ‘dure’ par moments mais s’égosille comme un chanteur de rock classique, ce qui me plait beaucoup moins, question de goût personnel.

N’y allons pas par quatre chemins non plus, HEALTH a mis pas mal d’eau dans son vin. Mais il reste toujours des traces de cette exigence dans des sons râpeux (Men Today), comme s’ils voulaient montrer que non, l’assagissement complet n’est pas à l’ordre du jour. Pour confirmer ça, ils ont gardé par moment une rythmique plutôt dure (Salvia) et de nombreux changements de braquet mais on peut noter des passages bien plus plats (Hurt Yourself) ou qui ne pourraient pas leur être attribués une fois sorti de leur contexte (le gentil Life).

Si le prochain album est tout lisse, on pourra faire semblant qu’on l’avait vu venir. Le rapprochement est facile avec A Place To Bury Strangers, qu’on avait déjà utilisé comme référence par le passé et dont l’évolution est parallèle. Peut-être qu’on est un peu tordus, mais leurs sons rêches apportent du plaisir. On embarque dans un album de HEALTH comme on monte dans une montagne russe, pour le plaisir un rien masochiste des sensations. Sinon, on prend le tram…

Comme à chaque fois, ces morceaux se présentent comme de la chair à remix. Disco 2 comportait quand même quelques moments de bravoure et on attend avec impatience un potentiel Disco 3 tant on sent tout le potentiel de Flesh World (UK).

Il n’y a sans doute rien de pire pour un artiste de se voir décerner le mortifère titre d’’album de la maturité’. On n’en est heureusement pas encore là. On n’est plus retournés, estomaqués par HEALTH, et on se surprend à multiplier les écoutes sans effort. On apprécie le mélange unique, comme on salue avec un peu de ferveur et beaucoup d’admiration les sorties de Deerhunter. HEALTH reste à la lisière, et on espère qu’ils ne franchiront pas le Rubicon de l’electro-pop lisse. Il reste fort heureusement quelques titres bien sentis pour rendre ce Death Magic très gratifiant à l’écoute.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Cloud Cult - Alchemy Creek

    On a fatalement un panthéon de groupes indés attachants. Et tout en haut figure cette formation du Minnesota. On pourrait aussi citer The Rural Alberta Advantage ou Port O’Brien au sein de cet aéropage héritier d’une époque où l’engagement total était un style en soi. Le résultat est un charme fou lié à cette intensité réelle.
    Hors mode donc mais leur inclination pro-climat, leur volonté de (…)

  • Loma - How Will I Live Without a Body

    Prendre son temps pour écrire une critique de Loma, ça tombe sous le sens tant la richesse ce troisième album nécessite un certain approfondissement. Même si on fréquente musicalement Jonathan Meiburg depuis 20 ans, découvrir un album de Shearwater ou Loma n’est jamais anodin et il faut un temps pour que toutes ses subtilités se dévoilent. Il en a été de même ici. Petit rappel des faits, Loma (…)

  • John Grant – The Art of the Lie

    Ça fait belle lurette que le style de John Grant a évolué, et on ne cherche plus depuis longtemps des traces de son fantastique Queen of Denmark. Mais on sait aussi que ce qu’on a aimé à l’époque se trouve toujours sous une forme différente. On le découvre au détour du son profond de Marbles par exemple.
    Triturer sa voix est un choix étrange quand on sait à quel point c’est un de ses atouts (…)