Accueil > Critiques > 2015

Destroyer - Poison Season

jeudi 3 septembre 2015, par marc


« Find something difficult to do and do it »

Est une phrase qu’on retrouve sur un des anciens albums de Destroyer, le groupe articulé autour de l’omniprésente figure de Dan Bejar. Si on ne peut pas dire que l’enchainement de ses albums sente la difficulté, on peut néanmoins lui reconnaitre qu’il ne s’est jamais laissé enfermer dans un style. Après le rock psychédélique de Trouble In Dreams et les accents années ’80 d’un Kaputttrès bien côté mais qui m’avait rebuté par sa froideur et son excès de saxophone, il semble bien parti pour faire de ce Poison Dream un sommet de sa carrière.

Donc, les louanges n’ont pas vraiment paralysé Dan Bejar dans l’élaboration de cet album, d’emblée marqué par une ampleur rare. S’il prend un malin plaisir à changer de style à chaque album, on peut placer celui-ci dans la droite ligne de sa dernière tournée où sa formation ample assurait un déploiement sonore dense et inspiré, comme une version intime du fameux E-Street Band de Bruce Springsteen. On pense évidemment au Boss du New-Jersey une fois ou l’autre et tant qu’on en est à évoquer les grands, on songe occasionnellement au David Bowie de Fame.

Mais si cette ampleur manifeste sur des morceaux denses comme Midnight Meet The Rain qui peut évoquer de vieux morceaux funk, on note aussi une autre inclination bien plus intime. Le meilleur exemple est la triple déclinaison du morceau Times Square dont les délicats violons démarrent l’album. Dans cette veine, il arrive à être vraiment touchant sur Solace’s Bride ou Girl In Sling. Ce qui est le plus remarquable, c’est que cette profusion ne tombe jamais dans le sirupeux (Bangkok pourrait basculer mais ne le fait pas).

Donc, cet auteur aux paroles opaques et au chant presque imprécatoire par moments n’est pas pour autant un individualiste, lui qu’on retrouve avec bonheur du côté de Swan Lake ou The New Pornographers. Et sa déclamation particulière n’a jamais été une limitation. Bien au contraire, elle permet d’assurer du liant aussi bien dans les moments tendres évoqués ou quand The River se fait ample, avec plein d’instruments mais aussi une vraie attention portée aux mélodies, aux purs gimmicks musicaux.

Vous l’aurez deviné aisément à la lecture des paragraphes qui précèdent, on a affaire à un des gros albums de l’année. La conjugaison de l’inspiration poétique décalée de Dan Bejar et d’un backing-band de première bourre donne un Poison Season à la fois dense et intime, puissant et subtil à la fois.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The Rural Alberta Advantage – The Rise and The Fall

    En caricaturant, on avait défini le style de Rural Alberta Advantage avec une voix éraillée et une batterie fièrement en avant. Et on a tout ça ici, d’emblée. On se retrouve d’autant plus en terrain connu que les 6 premiers morceaux sont ceux de The Rise EP paru l’an passé. Ce qu’on en a dit tient toujours bien évidemment.
    Mais il y a encore quelques morceaux saignants comme Plague Dogs. C’est (...)

  • Spencer Krug - I Just Drew This Knife

    Les choses sont sans doute un peu plus simples depuis que Spencer Krug officie sous son nom propre mais ce n’est pas ça qui a ralenti sa légendaire productivité. Pour jeter un peu de confusion tout de même, il reprend la route avec Sunset Rubdown...
    La transition de Moonface à Spencer Krug s’est faite en même temps que son apparition sur Patreon. En gros, c’était le versant plus personnel, distillé (...)

  • Metric – Fromentera II

    En général, la productivité d’un.e artiste croit rarement avec les années. Mais il y a des exceptions. Alors que leur rythme était plutôt d’un album tous les trois ans, Metric livre déjà un successeur au Fromentera sorti l’an passé. Il se présente d’ailleurs comme le second volet d’un dyptique. La premier nous avait d’ailleurs laissé une impression très favorable, avec en exergue un dantesque Doomscroller (...)

  • Islands - And That’s Why Dolphins Lost Their Legs

    Peu de groupes ont pu garder une image de sympathie aussi tenace au fil des années. Avec ce neuvième album pour autant de critiques ici, pas de doute, on est en terrain connu. La continuité est aussi assurée par ce line-up inchangé depuis le dernier album et le même Patrick Ford qui assure la production tout comme celle de !!!.
    Ce titre d’album fait une entrée immédiate dans les plus improbables. (...)