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Get Well Soon - Love

mercredi 17 février 2016, par marc


On ne pourra certainement pas nous reprocher une trop grande versatilité. Il y a en effet des artistes qu’on suit avec constance depuis leur découverte. Pour la bande de Konstantin Gropper, c’était une Nuit Botanique 2008, premier concert d’une longue série, avant un premier album dont on se souvient encore et qu’on réécoute malgré le flot continu des sorties.

On était resté sur trois EP assez disparates, clairement assumés en tant qu’interlude mais qui avaient eu le mérite de livrer au monde la meilleure reprise possible de Careless Whisper. Mais le véritable successeur de The Scarlet Beast O’Seven Heads, le voici. Et on peut dire qu’il est pour le coup aussi peu disparate que possible, montrant encore une fois le savoir-faire de son auteur et se plaçant dans le prolongement très logique de ses trois prédécesseurs.

Avec une vue d’ensemble, l’évolution est vraiment inéluctable mais le premier album était tellement brillant qu’on a chaque fois tenté d’y retrouver cette étincelle magique. On ne la cherche plus trop, moins par dépit que par logique, et on sait qu’il faut de plus en plus de temps pour se réapproprier un album de Get Well Soon. Parce que l’éclectisme est de moins en moins là (il ne l’était vraiment que sur le premier), remplacé par une forme plus fluide mais qui permet moins de distinguer les morceaux qui apparaissent en première écoute comme d’infimes variations sur un même thème.

Le thème est d’ailleurs peu mystérieux mais ce qui surprend, c’est que l’amour se voit décliné dans des formes aussi proches. Au fur et à mesure des écoutes, comme sur les deux précédents, les chansons s’aèrent et se développent, comme un vin mis en carafe. On peut donc relancer l’album, entamé par It’s A Tender Maze est un morceau élégant et racé, un peu lassé, montrant un savoir-faire qui n’a jamais été contesté.

It’s A Catalogue est en voix de tête et comme la finition est impeccable, il peut paraître un rien lisse. Il faut tendre l’oreille pour se rendre compte de l’inventivité de la basse par exemple. Ou alors le soupçon de guitare qui feront certainement de la belle mélodie d’Eulogy un grand moment de concert.

Mais l’uniformité est vite levé sur ce qui doit être un disque pop selon leur acception. Côté douceur, on peut compter sur It’s An Airlift ou le plutôt désabusé 33. Le majestueux It’s Love est parfois à deux doigts du kitsch mais comme toujours ne s’y vautre pas. Il faut attendre Young Count Falls For Nurse pour qu’ils haussent un peu le ton. Et ça marche aussi bien évidemment.

Marienbad se présente comme le morceau le plus marquant, ce qui se confirme écoute après écoute. Le refrain est parfait, collectif et désabusé à la fois. Et on y entend aussi la seule extravagance avec un passage bruitiste du plus bel effet. On attend en effet la toute fin pour qu’It’s A Fog parte dans une relative dérive.

Il faut quatre étoiles pour distinguer Get Well Soon du tout-venant, montrer tout de même qu’on a affaire à un album qui transpire le talent, qui peut accompagner longtemps faute de pouvoir jamais surprendre. Entamée comme un torrent de montagne, la rivière Get Well Soon est bien vite devenue un fleuve majestueux un peu avare en méandres, dont les rives n’ont jamais eu à déplorer la présence d’un camping.

Décadent est une épithète qui n’a pas souvent été utilisée pour décrire Get Well Soon. Pourtant il y a cette grandeur et ce spleen chez Konstantin Gropper, l’omnipotent leader de la formation allemande. Ses albums suintent le talent de tous leurs pores depuis le début et on sent leur évolution tellement linéaire depuis le début qu’on le soupçonne de se rapprocher toujours plus du point qu’il veut atteindre. Dans ce contexte, Love est un pas de plus vers une perfection assumée. Pour l’auditeur lambda, il faut donc se contenter d’admirer ce très bel objet tout en ravalant les regrets du romantisme échevelé et éclectique des débuts.

    Article Ecrit par marc

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2 Messages

  • Get Well Soon - Love 18 février 2016 20:15, par Laurent

    On parle du EP bonus ("The collected confessions of Zoltàn D."), tout en grandiloquence synth-pop ? En ce qui me concerne, c’est là qu’est la claque ! Je trouve chaque titre dément.

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