Accueil > Critiques > 2016

Andrew Bird - Are You Serious

mardi 29 mars 2016, par marc


Voilà un artiste qui ne nous a jamais laissé indifférents, et qu’on a appris à apprivoiser album après album. On a toujours envie de voir où il va nous emmener, quelles seront ses envies et ses orientations. On l’avait laissé sur un Break It Yourself de très bonne facture mais un peu moins flamboyant et le voici de retour en mode majeur avec un Are You Serious qui le voit plus facile d’accès que jamais.

On parle rarement de la vie privée des artistes sauf si ça a une influence sur leur œuvre. Et il semble que son mariage récent et la paternité qui a suivi a libéré Andrew. Non, il ne cède pas au poncif de la berceuse toujours ratée mais il avoue que ces événements ont rendu son écriture plus directe. C’est simplement une déclaration d’intention, on est d’accord, mais force est de constater que les effets sont patents.

Déjà sur Capsized, on sent ce côté franc et direct qui ne veut pas dire plus fruste. Le violon se fait plus souple, plus fluide. Le revirement de style n’est pas pour tout de suite mais l’abord de cet album en est grandement facilité. Roma Fade est sans doute son morceau le plus immédiat après l’insurpassable Fake Palindromes. Il y convoque beaucoup, des chœurs presque invisibles, un riff de violon irrésistible, du pizzicato. On sait qu’on tient un morceau qu’on réécoutera sans fois comme son fameux prédécesseur.

Si Puma est un morceau presque pop sixties, il n’en reste pas moins typique de son style. Il fait partie de ces morceaux qui ne sont pas flashy de prime abord et constituent la colonne vertébrale de son style et de cet album. Truth Lies Low aurait ainsi pu se trouver sur n’importe lequel de ses albums, surtout quand il pratique ce qu’on appelle souvent fiddle (un emploi du violon utilisant des changement rapides très usité en musique traditionnelle) pour en faire un usage qui confine au jazz. Il a un talent suffisant pour cacher sa virtuosité sous une légèreté fondante. La fin de ce morceau est assez exemplaire à ce propos.

Saints Preservus en profite pour changer souvent de climat, une caractéristique qu’on apprécie toujours chez lui, assez habile pour faire coexister plusieurs morceaux en un. Moins classiques en son chef sont les mélodies vraiment directes et immédiatement mémorisables comme sur Are You Serious. Valleys of The Young est plus rock, ramenant à ce qu’il nous proposait sur Armchair Apocrypha, album plus direct souvent décrié par ses fans hardcore. Fort heureusement, il garde sa grande voix et sa syncope bien particulière, polie album après album par son épatante section rythmique.

On entend Fiona Apple sur Left-Handed Kisses. Une belle alliance de deux talents certains de ces dernières années. Pourtant, je mentirais si j’affirmais que ce morceau est le plus marquant de l’album. A tout prendre, la collaboration de St Vincent sur l’album précédent était plus pertinente.

Il fallait du temps pour faire le tour d’un album d’Andrew, ce n’est pas le cas ici. Certes, les richesses se dévoilent petit à petit, mais l’approche est plus immédiate. A un tel point qu’on se dit qu’Are You Serious est peut-être le point d’entrée idéal pour le profane.

http://www.andrewbird.net/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Ella Ronen – The Girl With No Skin

    Fuck Cute/I’m Tired of Cute/Cute has never served me
    Il ne faut pas se laisser tromper par la délicatesse d’Ella Ronen. Si on est séduit d’emblée par les plaisirs doux qui ne sont pas sans rappeler ceux de Marie Modiano (référence ancienne on en convient...), la jolie voix propose une écriture plus profonde, sans doute parce qu’elle repose sur un substrat qui a son content de drames.
    Une des (...)

  • Tomasso Varisco – These Gloves

    Les amis de nos amis (même récents) deviennent bien vite nos amis. En découvrant Stella Burns il y a peu, on ne savait pas que d’autres artistes se cachaient derrière comme Tommaso Varisco auquel Stella Burns prête ici main forte. Si ceci est moins marqué par l’americana mais c’est évidemment ce genre de terreau qui l’inspire. On est donc invités dans un road trip. Mais pas sur la route 66, ce périple (...)

  • Stella Burns - Long Walks in the Dark

    L’influence culturelle des Etats-Unis est telle que même les plus endémiques de ses expressions sont reprises partout dans le monde. Le cas de l’Americana est assez typique, on en retrouve des partisans tout autour du globe et c’est d’Italie que provient celui-ci, nommé Gianluca Maria Sorace mais officiant sous le nom de Stella Burns.
    Sa voix est belle et claire et reçoit aussi le renfort de Mick (...)

  • Harp - Albion

    Si le nom de Harp n’a jamais été évoqué ici, on connait bien l’instigateur de ce projet qui n’est autre que Tim Smith. Lui qui fut jusqu’au sublime The Courage of Others chanteur de Midlake a en effet quitté le groupe de Denton, Texas depuis belle lurette pour se lancer sur un autre chemin, accompagné de son épouse.
    Cette division cellulaire est un peu semblable à celle de Menomena qui a continué sa (...)

  • HEALTH - RAT WARS

    Même après des années passées à autre chose (des musiques de film, des versions disco), la puissance de feu d’HEALTH a laissé une trace manifeste. Mais il a fallu un rabatteur de qualité pour qu’on ne passe pas à côté de cet album. Le souvenir bien qu’ancien était toujours cuisant et on retrouve le trio avec un plaisir certain.
    Ils ont collaboré avec Nine Inch Nails ou Xiu Xiu et ces cousinages semblent (...)

  • Beirut – Hadsel

    Bien honnêtement, quand on a découvert Beirut en 2006, on ne se doutait pas qu’on allait suivre le jeune Zach Condon pendant plus de 17 ans. Cette musique fortement influencée par les fanfares balkaniques a suscité d’emblée l’intérêt mais le procédé semblait trop étriqué pour s’inscrire dans la longueur. On avait tort, forcément, et ceci en est un nouveau rappel.
    En première écoute, ce Hadsel est plutôt en (...)

  • Animal Collective – Isn’t It Now ?

    A une époque où la modernité n’est plus une vertu cardinale, il peut être étonnant de retrouver cette conjonction de talents (Avey Tare, Panda Bear, Deakin et Geologist) aussi en forme après près d’un quart de siècle d’existence. Avec Time Skiffs, on pouvait clairement parler d’une nouvelle période pour le groupe, un revirement vers plus de musique ‘figurative’ par opposition aux brillants collages (...)

  • Caleb Nichols - Let’s Look Back

    L’artiste qui aura fait le plus parler de lui en 16 mois est un prix qui ne rapporte rien sinon des critiques multiples et sans doute un peu de confusion de la part d’un lectorat débordé. Bref, après avoir pris congé de Soft People, l’actif Caleb nous a donné un album un opéra rock Beatles queer puis deux EP qui mélangeaient chansons et poèmes autour du personnage semi-autobiographique de Chantal. Sa (...)