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Wire - Nocturnal Koreans

vendredi 29 avril 2016, par Mathusalem


“L’album WIRE était en phase avec la mentalité du groupe, Nocturnals Koreans l’est moins, ou, plus précisément, c’est l’état d’esprit du groupe qui est moins en phase avec l’album.
La règle du jeu ayant été pour ce disque de ne se fixer aucune limite en matière de triche sonore, si cela pouvait le faire sonner mieux.”
(Colin Newman, avril 2016)

Bon, autant vous l’écrire de suite, ce court album est une excellente surprise.
Déjà par le côté cocasse et nonsense du titre, nonsense qu’ils maîtrisent parfaitement par ailleurs... A mille lieues en tout cas de l’éponymie du précédent, mais aussi et surtout, vu qu’on est ici avant tout pour parler musique, par l’ajout, qu’on sent à la fois particulièrement jubilatoire et pleinement réfléchi, d’un grouillement de nappes et d’aspérités sonores disparates, imprimant à cet opus compact un relief qui lui donne des allures de courte étape de montagne alors que l’album précédent mettait plutôt en exergue le côté assourdissant, uniforme et continu d’une étape de plaine… Comme un ronflement continu de dérailleurs.

Parce que c’est cela aussi Wire, toujours là où on ne les attend pas.

C’est vrai que le groupe cultive depuis quarante années une image arty rude, d’une intransigeance sèche, on ne peut donc s’empêcher de laisser poindre un sourire narquois à l’écoute de la multitude d’indices disséminés de ci de là.

Nocturnal Koreans s’écoute avec l’émerveillement d’un enfant qui irait à la chasse aux œufs, un dimanche de Pâques.

On pourrait bien vous parler de cette trompette quasi subliminale sur Internal Exile, de ces étonnants effets sonores sur les parties vocales d’un Graham Lewis qu’on devine exultant à l’idée de déclamer son texte, de cette intro de Dead Weight », assez proche des expériences sonores de Colin Newman au début des eighties (Période Provisionally Entitled The Singing Fish pour ceux qui s’en souviennent). Et puis on pourrait aussi revenir sur cette voix à la fois guindée et hargneuse énonçant les mots Number et Rhumba, amusants rappels pour tous ceux qui gardent dans leur cœur un souvenir ému de Chairs Missing, mais on vous laisse découvrir le reste… Après tout, vous êtes grands maintenant.

Certains trouveront un peu dommage que le riff de Still soit identique à celui de Love Bends (de l’album Change Becomes us)… D’autres se diront, connaissant les artistes, qu’il ne s’agit pas d’un manque d’inspiration, mais bien d’un clin d’œil enjoué destiné aux gens du premier banc, ceux qui suivent. Et on ose avouer jouer dans la seconde catégorie.

En bref, on va éviter une bonne fois pour toute de discourir encore et encore sur la fabuleuse trilogie des seventies qui leur conféra le statut de groupe culte, le simple fait de prendre un plaisir fou à écouter cette dernière plaque sans verser dans la nostalgie prouve à quel point le combo reste actuel...On a souvent entendu dire que le Phénix renaissait de ses cendres, mais ce n’est pas tout à fait juste parce que, dans leur cas, le feu ne s’est jamais vraiment éteint.
Quel album épatant.


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