Accueil > Critiques > 2018

Anna Calvi - Hunter

mercredi 19 septembre 2018, par marc


Il semble assez dingue vu de 2018 de penser qu’Anna Calvi ait un tant soit peu été polémique mais une caractéristique connue de ces emballements est de retomber bien vite. Deux albums plus tard, elle apparaît comme une valeur sûre. L’album précédent One Breath semblait un appel du pied aux producteurs de James Bond dont elle semblait vouloir assurer la chanson-titre. Prenez Idris Elba comme 007 et Anna pour la musique, le combo ne pourra que marcher.

Il faut parfois un petit temps d’adaptation avant de pleinement savourer un album d’Anna Calvi. Cette particularité la rapproche de deux autres artistes féminines de très grand talent, Natasha Kahn (Bat For Lashes) et Annie Clarke (St Vincent). La même perfection technique, une grande voix, un ton éminemment personnel et une implication telle qu’elle peut intimider et mettre un peu de distance les rapprochent en effet. Avec les mêmes solutions qui sont de s’accrocher et multiplier les écoutes ou plus simplement les voir en concert où tout se met immédiatement en place et prend son sens.

Le sens n’est pas compliqué à trouver ici. Anna est chipotée par le questionnement de genre, ce qui la place bien dans son époque. Les allusions sont claires dès les titres (la tentations héroïques d’As A Man) ou quand elle assène sur Chains.

I’ll be the boy, you be the girl/I’ll be the girl you be the boy

Il y a de la sensualité sur Hunter évidemment, la langueur nécessaire. Elle garde sa voix très affectée et un abattage qui paradoxalement l’éloigne un peu de prime abord. La virtuosité a le bon goût de s’effacer un peu mais est belle et bien là (la guitare de Don’t Beat The Girl), se faisant discrète parmi les audaces formelles. On notera au rang de celles-ci la belle syncope d’Alpha ou bien cet Indies or Paradise, avec un fond robotique kraut, et une guitare frippienne bien libre. Assez finement, elle enchaîne sur le morceau le plus languide (Swimming Pool) qui établit un certain équilibre.

Peut-on vraiment reprocher à un album d’être trop riche ? Sans doute que non. Très ample, mais parfois imperméable à l’émotion, la musique d’Anna Calvi est unique et montre une belle liberté de ton et d’expression. Le genre qui force l’admiration, le respect et plein de choses positives.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The Cure - Songs of a Lost World

    ’Cette année c’est la bonne’. C’est ce qu’on s’est dit quelques fois avant d’abandonner l’espoir d’un nouvel album de The Cure. Lequel n’était même pas indispensable, on les sait toujours capables de longues tournées de longs concerts de longues chansons. Et puis l’intégrité de la bande de Robert Smith, pronant le ticket pas cher à l’heure des prix dynamiques ou privilégiant les longues intros (…)

  • Kate Nash – 9 Sad Symphonies

    Nous sommes en 2013. Après un premier album acclamé emmené par le tube Foundations, la star de Myspace a confirmé avec My Best Friend Is You la plupart des espoirs placés en elle et la voici en position de définitivement asseoir son statut avec un troisième album traditionnellement piégeux. Mais elle va relever le défi.
    Sauf que vous savez que ça ne ça ne s’est pas passé comme ça. Larguée (…)

  • The Smile - Wall of Eyes

    Même en 2042 et après avoir sorti 13 albums réussis, The Smile restera ’le groupe des deux types de Radiohead’. C’est comme ça, le groupe d’Oxford est trop ancré dans la culture pop pour passer au second plan de quoi que ce soit. Mais cette encombrante et inévitable figure tutélaire ne doit pas oblitérer les qualités indéniables de The Smile. Les deux protagonistes, flanqués du batteur Tom (…)

  • PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying

    C’est un phénomène que j’ai du mal à m’expliquer. Il m’est difficile voire impossible de me plonger dans des œuvres récentes d’artistes que j’ai beaucoup aimés il y a longtemps. Si dans certains cas c’est la qualité de leurs albums qui est l’explication la plus facile (Muse, The Killers, Foals...), c’est plus mystérieux en ce qui concerne Radiohead, Nick Cave ou PJ Harvey.
    Il faut dire aussi (…)

  • Lazy Day – Open The Door

    On avait appréhendé l’univers de Lazy Day à travers un morceau à la fois rêveur et tendu. Concrete dégage un charme qui nous rappelle notre attachement à Broken Social Scene et on le retrouve ici mais ce n’est qu’une des nombreuses facettes développées par Tilly Scantlebury (de Londres). Ce qui déconcerte, c’est précisément de ne pas être plus déconcertés quand on fait le détail qui balaie (…)

  • Andrew Bird & Madisson Cunningham – Cunningham Bird

    Il semble qu’Andrew Bird puisse disputer à Rufus Wainwright le prix de la dispersion des envies musicales mais on peut aussi dire avec un peu de certitude que le premier l’emporte dans l’intérêt de ses projets parallèles. Après avoir exploré l’ambient in situ avec ses Echolocation et sa relectured’Inside Problems et attaqué des standards de jazz, le voici qu’il s’allie à Madison Cunningham (…)

  • Saint Sadrill – Frater Crater

    La présentation du second album de Saint Sadrill name-droppe James Blake, Mark Hollis, Scott Walker et St Vincent. Ambitieux évidemment, contre-productif peut-être mais on ne peut nier une certaine pertinence là-derrière. Ce qu’on peut en déduire aussi, c’est que si ces climats amples et les surprises font partie de vos plaisirs d’écoute et si aucun des exemples ne vous rebute, vous prendrez (…)

  • The Smile - Cutouts

    The Smile a décidé de se conformer à son propre agenda créatif et donner un successeur à Wall of Eyesmoins de neuf mois après sa sortie. Cette faconde nouvelle donne un nouveau regard sur le groupe. Au lieu d’une attente fiévreuse pendant de longues années pour un album poli et re-poli, on a accès à leur créativité de façon plus directe et on peut dire que c’est une bonne chose. Signalons tout (…)