Accueil > Critiques > 2019

Baden Baden - La Nuit Devant

lundi 21 octobre 2019, par marc


Combien sont-ils à proposer des choses nouvelles en chanson française ? Bien plus qu’on ne le pense de prime abord, mais certains sortent clairement du rang. Après un premier album dans deux langues (anglais et français) qui portait haut l’influence de formations comme [Girls In Hawaii, ils ont définitivement adopté la langue de Georges Brassens pour un Mille Éclairs brillant, qui n’a que peu d’équivalents sauf à aller chercher de l’autre côté de l’Atlantique (le Malajube des grands soirs par exemple) ou des frères d’inspirations comme Volin.

Quand on a déjà un son et deux bons albums sous le coude, il est temps d’explorer, de tenter des choses. On note d’emblée un peu plus d’électronique, un son plus vaporeux qu’on a maintenant l’habitude d’entendre mais pas nécessairement dans notre langue. Les synthés apportent beaucoup de légèreté à Post Romantiques par exemple ou constituer un très prenant leitmotiv de base d’un RH. Le résultat est forcément évanescent (CLSS) ou un rien désolé dans les entames de morceaux. Ils osent en tous cas les digressions musicales, exploiter à fond un climat établi. Par exemple, L’Américaine part du sol avant de s’élancer avec un peu de cuivres. Ils ont l’intensité manifeste mais discrète. De plus, le chant n’est pas poussé en avant, ce qui est une affirmation en soi dans le genre. Les mélodies et le ton de voix rappelant souvent Florent Marchet.

Le climat de langueur reste convaincant (Les Débuts) d’un bout à l’autre parce qu’ils arrivent à imposer une variation. Leur mélancolie fait mouche, comme souvent. Ma Chère fait partie de ces moments-là. Mais ce n’est jamais une musique d’exultation, les montées sont souvent suivies de descentes, alors qu’on est parfois curieux de voir ce qu’il y aurait, un peu plus haut, à ces sommets fréquentés par leur insurpassable A Tes Côtés. Enfin, c’est ce qu’on ressent un peu lors des premières écoutes parce qu’il y a tout de même des moments où on prend un malin plaisir à se faire surprendre comme Les Longs Formats (ou LMR), prototype de l’hymne trisoune que l’on va user encore longtemps. PLV exploite d’ailleurs les mêmes paroles, cassant le côté systématique.

Et pour que l’effet soit maximal, démarrer du sol est une option. On est face à une longue liste de morceaux suspendus parfois rehaussés de moments de bravoure, à pléthore de bons morceaux, dégageant parfois une relative uniformité, même si c’est une constance dans la réussite dont on parle.

Baden Baden est comme trop d’autres une formation sous-estimée. Loin de décalquer des codes de musique indé anglo-saxonne en adoptant le français, ils continuent sur leur belle lancée avec cet album vaporeux et mélancolique qui n’a aucun équivalent dans la langue de Modiano et bien peu dans celle de Boris Johnson. L’intensité discrète de cet album est sans doute un obstacle autant qu’il est une indéniable qualité mais on n’est pas prêts de se lasser de ce duo qui travaille la mélancolie comme d’autres façonnent la glaise.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

7 Messages

  • Jeanne Cherhal - Jeanne

    Jeanne Cherhal est une chanteuse moderne. Elle n’a en tous cas jamais reculé devant la dualité entre chansons d’amour et chansons sur la condition féminine, on ne décèle ici aucune déviation de sa trajectoire en la matière. Paradoxalement, c’est le conseil mal informé d’un exécutif de maison de disque qui lui a suggéré que ça pourrait être pas mal, pour elle, d’écrire des chansons féministes (…)

  • Nicolas Jules – Rock ’n Roll Marabout

    “Un disque de rock’n’roll en solo. Tout comme le chanteur sur la pochette n’est pas Chuck Berry, l’oiseau n’est pas un marabout mais un jabiru d’Amérique.”
    Même la lacunaire introduction est du Nicolas Jules pur jus, ça ne change pas. Ce qui change, et c’est une excellente nouvelle c’est que ses albums sont disponibles sur Bandcamp, qui reste une façon efficace de soutenir les artistes et (…)

  • Albin de la Simone - mes battements/Toi Là-Bas

    Normalement, on se concentre exclusivement sur l’aspect musical des choses. Même les musiques de film, série ou danse sont vues pas le simple prisme auditif. On va faire une exception ici parce qu’on l’a lu, Mes Battements d’Albin de la Simone. Et on a bien fait tant c’est un bonheur de sincérité et d’humour. Ce sont des anecdotes, un peu, des histoires courtes, des instantanés écrits et (…)

  • The Imaginary Suitcase – A Chaotic Routine (EP)

    Oui, les choses changent, même pour les compagnons musicaux de longue date. Et même après une dizaine d’oeuvres relatées ici, on constate ce changement dès la pochette. On passera sur le changement de police de caractère pour se concentrer sur les visages, présents pour la première fois. Et puis constater que Laurent Leemans n’est plus seul à bord, même si les autres noms ne sont pas (…)