mardi 2 mars 2021, par
Si on avait manqué les premiers albums de Mogwai (non, on n’a pas de mot d’excuse…), leur copieuse discographie nous a permis de reprendre le train en marche et ne plus jamais en descendre. Ce dixième album studio qui s’ajoute à de nombreux exercices d’illustration sonore où ils excellent évidemment ne viendra pas tiédir notre ardeur.
Le son, voilà ce qui peut faire la différence. Et il est compact, énorme d’emblée, ne s’encombre souvent pas d’entrelacs de mélodies. C’est aussi la puissance du son qui a rendu une première écoute distraite et à bas volume moins gratifiante. Au contraire d’un format pop optimisé pour toutes les conditions d’écoute (du supermarché à la sono géante), Mogwai séduira ceux qui désirent s’y immerger.
Une autre caractéristique est cette façon d’adjoindre du chant vocodé qu’on retrouve sur Sur Here We, Here We, Here We Go Forever et séduit toujours. Plus surprenant en leur chef est la voix de Stuart Braithwaite dénuée d’artifices sur Richie Sacramento. Le résultat est sans doute ce qu’ils ont proposé de plus proche d’une ‘chanson’ mais ils naviguent suffisamment haut pour que la dream-pop ne soit qu’une trame. Et puis ces sons de guitare, cette densité amènent ce morceau au-delà de lui-même, bien au-dessus d’une éventuelle version acoustique en tous cas. C’est un des sommets de cet album à n’en pas douter, le genre de titre qui figurera dans une prochaine mouture de compilation, qui pourra élargir leur public au-delà de la déjà grande frange de convaincus.
Le fuzz de Ceiling Granny semble sorti d’un antique Smashing Pumpkins. C’est une évocation plus qu’agréable, même si on s’est peu soucié de l’évolution de la bande à Corgan ces deux dernières décennies. Sur Midnight Flit, ce sont des cordes qui modulent l’intensité. On note aussi de discrètes touches d’électronique et des synthés (Dry Fantasy) parce que si le post-rock est un style assez balisé, il est rarement passéiste.
Et si certains morceaux peinent un peu plus à passionner comme Drive The Nail, ils finissent finalement par emporter l’adhésion et y arrivent presque sans changement d’accord. Il y a des morceaux qui frappent moins comme Dry Fantasy mais dans le cadre d’un copieux album, ils ont indéniablement leur fonction. Notons qu’ils restent fidèles à un format relativement compact pour le genre, ne dépassant pas les 7’30’’. Ils peuvent même vriller avec concision sur Ceiling Granny.
Il en découle souvent une ampleur rare (It’s What I Want To Do, Mum), et on trouve ce qu’on est venus chercher, c’est à dire des raisons de balancer la tête de façon lente et irrépressible pendant que les mâchoires prennent une existence propre. Si on ne mentionne pas de riffs inoubliables, de mélodies qui restent en tête, ce qu’on retient c’est qu’on a vibré sur au moins la moitié des titres comme la fin dantesque de Fuck Off Money. Ça reste une musique d’exultation (Here We, Here We, Here We Go Forever), quitte à faire semblant de laisser retomber la pression. On ne note plus depuis plusieurs albums de ruptures brusques ou d’arpèges lacrymaux, mais une progression irrésistible, une densité de cocon qui lance les hostilités dès To The Bin My Friend, Tonight We Vacate Earth, morceau d’introduction forcément majestueux.
Aller de l’avant malgré tout, livrer des albums toujours impeccables, c’est le moteur d’une formation qui à plus d’un quart de siècle d’existence reste pertinente dans un style qu’on pourrait qualifier de niche. Ils ont en effet cette force d’évocation supérieure, cette force de frappe irrésistible à même de contenter les non-aficionados et on espère que cet impeccable livraison pourra encore élargir leur audience.
Si Mogwai est un des premiers noms qui vient à l’esprit quand on parle de post-rock, ils en ont abandonné bien des recettes il y a fort longtemps. C’est sans doute cette volonté d’évolution, certes mesurée mais constante qui leur permet ces 30 ans d’existence déjà et de nous gratifier d’un onzième album.
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