Accueil > Critiques > 2021

of Montreal - I Feel Safe With You, Trash

lundi 12 avril 2021, par marc


On dirait que le confinement n’est pas un frein à la créativité des artistes suractifs. Moins d’un an après le réussi et très teinte eighties UR FUN. Derrière cette moche pochette (même selon les standards de la formation) se présente un long album où Kevin Barnes est seul à la manœuvre, ce qui à ce niveau de luxuriance est une vraie performance...

Si on n’a jamais décelé de baisse d’inspiration, c’est la concentration qui rend leur écoute plus ou moins gratifiante, sachant que Kevin Barnes n’est jamais aussi bon que quand il donne plus de structure aux morceaux et une teinte particulière à ses albums. La plus manifeste étant les accents dylanniens de Lousy With Sylvanbriar. Ou alors quand la folie se fait fantaisie (Skeletal Lamping). A l’opposé, on a les exercices plus crevants de Paralytic Stalks qui enferment un morceau dans un morceau dans un morceau.

Vous l’aurez deviné, on est entre ces deux extrêmes ici, à la fois aidés et desservis par l’imposante tracklist (20 morceaux tout de même) qui ne laisse pas les morceaux s’enchevêtrer sur eux-mêmes mais rend l’écoute intégrale forcément usante. Mais revigorante tout de même. Avec comme prévu un éclectisme à large spectre.

La longueur de cet album permet de varier les intentions et résultats. Now That’s What I Call Freewave est le versant plus rentre-dedans, très teinté de glam-rock. Cette composante est toujours là chez eux et permet des giclées d’énergie. Mais il peut aussi apaiser JaPanese Word For Witch ou exprimer cet incroyable groove fou (True Beauty ForeveR). Mais les morceaux n’en sont pas linéaires pour autant, Fingerless GlOves par exemple terminant dans un solo de tapping inattendu, Drowner’s Tears se permet des délires à l’hélium. Et il peut laisser un morceau dans les limbes (I Feel Safe With You, Trash) pour mieux l’en sortir en mode bruitiste avant de le replonger dans le brouillard. Ou encore mêler sons orientalisants et grosses guitares sur Kcrraannnggaanngg !!

On a même droit à un morceau hommage à Karlheinz Stockhausen avec Karlheinz ChOp Up Children et en effet, ce grand-père de la musique électronique (et professeur des musiciens de Can) a un lointain rôle dans ce délire-ci, la chanson étant une délirante déambulation nocturne à l’étrange name-dropping.

Après plus de quinze ans de fréquentation de la discographie de Kevin Barnes, on ne se laisse plus surprendre, on prend le pouls de ses motivations et de sa santé mentale. Littéralement, ses albums marquant des chapitres de son journal. Il va donc plutôt bien, sa verve légendaire pouvant s’exprimer avec liberté et rigueur.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The National - Rome

    On a déjà avancé l’idée que The National serait le plus grand groupe de rock du monde. Ou alors pas loin. Mais sans doute par défaut. Il faut dire que leur succès est arrivé sur le tard et presque malgré eux. Ils peuvent se targuer d’une impressionnante discographie. Et puis il y a cette sensation que les albums s’enchainent sans que leur statut n’impose leur contenu. Ils arrivent à avoir des (…)

  • Xiu Xiu – 13’’ Frank Beltrame Italian Stiletto with Bison Horn Grips

    Jamie Stewart est un artiste qui fait de la musique excitante. De combien pouvez-vous dire ça ? On ne veut pas dire qu’il a toujours tout réussi, tout le temps, mais on prend toujours de ses nouvelles avec une curiosité certaine. On sait qu’on va être surpris, un peu secoués et peut-être même un peu soufflés. Ou même beaucoup soufflés dans le cas qui nous occupe, à savoir le successeur du (…)

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Cloud Cult - Alchemy Creek

    On a fatalement un panthéon de groupes indés attachants. Et tout en haut figure cette formation du Minnesota. On pourrait aussi citer The Rural Alberta Advantage ou Port O’Brien au sein de cet aéropage héritier d’une époque où l’engagement total était un style en soi. Le résultat est un charme fou lié à cette intensité réelle.
    Hors mode donc mais leur inclination pro-climat, leur volonté de (…)