mercredi 12 avril 2023, par
Généreuse dans l’effort, Lana Del Rey l’est certainement, et il faut l’être pour livrer aussi régulièrement des albums aussi consistants. Surtout s’ils sont entrecoupés de recueils de poésie. Maintenant, on peut s’affranchir d’un rappel des faits précédents. On remontera juste jusqu’au formidable Noman Fucking Rockwell ! pour signaler qu’il y a eu deux albums jumeaux en 2021 qui l’ont vu à la fois revenir à plus de classicisme et tenter quelques trucs, vocalement surtout. Sur Candy Necklace, on croirait entendre Jennifer Charles qui chuchoterait moins.
Le cousinage avec NFR ! avec NFR ! est d’ailleurs facile à établir vu qu’on retrouve ici une longueur qui permet aussi de varier son styles par petites touches. Mais il n’y aura probablement jamais de déviation sensible. Ce n’est pas Sufjan Stevens. Même s’il y a quelques rapprochements à faire comme cette capacité d’aller et revenir entre l’émotion brute et plus d’audace, voire au sein d’un morceau. Taco Truck vs VB est exemplaire à cet égard. Il y a toujours une dualité chez elle qui a tout de même un pseudo reposant sur une icône hollywoodienne et une voiture bien moche.
Sur cet album hors-format (78 minutes, il faut avoir du temps pour l’explorer), il y a forcément des morceaux hors-format comme A&W qui conjugue une forme de pop mélancolique avec une fin electro-trap du plus bel effet. C’est la maitrise de ces moments-là qui donnent de la substance à des albums aussi longs. Elle a une formule qui fonctionne, on se contenterait d’en entendre encore quelques louches de chansons d’insécurité et d’amours toxiques. On a ça en fait, mais tellement plus aussi. Elle garde cette façon d’imploser de beauté sur des morceaux qui ne sont pas présentés en tête de gondole comme le The Grants qui entame les hostilités ou Sweet. Et il y en a un paquet ici, plus que sur bien des discographies.
La pochette reprend la longue liste des producteurs ainsi que ceux qui sont venus en renfort vocal. Il faut dire qu’ils sont moins mis en avant dans les morceaux que sur cette pochette mais on peut conclure tout de même que les interventions de Father John Misty et Jon Batiste sont impeccables.
Si elle a établi la moue boudeuse en forme d’art et qu’on a parfois eu l’impression que le spleen du vieil Hollywood l’habitait, il y a toujours un peu plus de lumière. On parle pourtant de deuils (Kintsugi) ou de santé mentale et la maternité (Fingertips). Elle questionne sa légitimité sur le longuement intitulé Grandfather please stand on the shoulders of my father while he’s deep-sea fishing et évidemment craint d’être oubliée sur la plage titulaire qui montre encore son sens incroyable de la formule.
Open me up, tell me you like me/
Fuck me to death, love me until I love myself
Mais c’est finalement le Don’t forget Me qui est le plus poignant sur ce morceau. Elle admet néanmoins se porter mieux que dans ses chansons (on l’espère pour elle, sincèrement), on la sent carrément amoureuse sur Peppers. Elle peut en tous cas se réjouir du bonheur des autres. Par exemple, Margaret est l’actrice Margaret Qualley. Mais ce n’est pas sur ce morceau que c’est le plus convaincant. Outre le A&W déjà mentionné, les deux morceaux de clôture sont somptueux avec ce Peppers qui sample Tommy Genesis et Taco Truck vs VB qui reprend des bribes de son fameux Venice Beach. Oui, même musicalement Lana est la matière de ses propres morceaux. Au sein-même de cet album il y a ce When you know you know qui revient sur deux morceaux et va longtemps nous hanter.
Evidemment, cette ampleur et cette longueur ont des revers comme certains morceaux qui peinent à marquer. Certes, ils sont désignés comme Interludes mais leur absence ne se serait pas trop fait remarquer. On aurait même aimé éviter le prêche de son curé préféré mais c’est sans doute le prix à payer pour autant d’ampleur.
Des masses de talent sont à l’œuvre chez Lana Del Rey. Ça fait une dizaine d’années qu’on le sait et on est chaque fois surpris tout de même. En gardant une voix qui procure toujours autant de sensations, elle a le bon goût de se faire moins monochrome que certains de ses albums. Cette propension à lâcher des morceaux comme des classiques est dingue tout de même. Cet album monumental et un peu imposant qui met toujours en avant une indéniable virtuosité mélodique se présente comme un incontournable contemporain.
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