Accueil > Critiques > 2023

Anohni and the Jonsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

vendredi 11 août 2023, par marc


Une limitation connue de la critique est qu’elle intervient à un temps donné, dans un contexte. Or on sait que les avis ne sont jamais constants dans le temps. Ainsi si I am a Bird Now a beaucoup plu à l’époque, on le tient maintenant comme un des meilleurs albums de tous les temps, tous genres et époques confondus. Cette proximité crée aussi une attente quand que les Jonsons sont de nouveau de la partie, maintenant associé au patronyme d’ANOHNI de la chanteuse anglaise.

Disons-le tout de suite, ceci ne s’inscrit pas dans la lignée directe des albums plus anciens, pas plus que des expérimentations plus électroniques du premier album d’ANHONI. Dans les thématiques par contre, c’est un peu une fusion des deux qui font état d’une double angoisse environnementale et transphobique. Ce qui est plus étonnant, c’est que la forme utilisée Est-ce qu’on a coutume d’appeler de la blue-eyed soul, ou musique telle que pratiquée par des blancs. Ce mélange de chaleur du ton et du propos glaçant culmine sur un morceau comme Scapegoat.

Il y avait déjà quelques solides couches de groove sur I am a Bird Now on s’en souvient, surtout quand Lou Reed était de la partie. Cette figure tutélaire plane toujours au-dessus de cet album qui peut évidemment reposer sur cette voix irrésistible. Et puis il y a ces deux façons de transcender le style. Tout d’abord vers la douceur comme sur There Wasn’t Enough, chanson d’une simplicité désarmante ou Silver of Ice qui est de ces morceaux suaves qu’on a tellement besoin d’entendre.

L’autre façon est de pousser vers une ampleur supérieure. Can’t commence de façon un peu tortueuse, sans doute trop en fait. Mais quand le morceau monte, la voix prend ses aises, et livre une prestation incroyable. Son I dont’ want you to be dead est fait pour marquer. Rest aussi a une fin dantesque électifiée assez jubilatoire. Dans ce contexte, seuls les morceaux plus bruitistes tombent un peu comme un cheveu dans la soupe mais si Go Ahead prend l’auditeur un peu à rebrousse-poil comme Hopelessness a pu le faire dans un passé plus récent, ce ne sont que des interstices ici.

Que faire quand une artiste qu’on adore sort un album dans un genre qui nous parle moins ? Il faut patienter un peu, laisser les morceaux percoler et laisser pointer le talent et l’émotion. On lui dont bien ça.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Soap&Skin - Torso

    On ne peut pas dire que l’exercice de l’album de reprise soit notre préféré. Si c’est amusant à petites doses, l’aspect presque toujours hétéroclite de reprises diverses par un.e artiste ou de rerpises d’un.e artiste par une multitude est souvent rébarbatif. Mais avec une forte personnalité musicale établie avec parcimonie lors de ces 15 dernières années, on savait que la cover était un des (…)

  • The Cure - Songs of a Lost World

    ’Cette année c’est la bonne’. C’est ce qu’on s’est dit quelques fois avant d’abandonner l’espoir d’un nouvel album de The Cure. Lequel n’était même pas indispensable, on les sait toujours capables de longues tournées de longs concerts de longues chansons. Et puis l’intégrité de la bande de Robert Smith, pronant le ticket pas cher à l’heure des prix dynamiques ou privilégiant les longues intros (…)

  • Tindersticks – Soft Tissue

    Il est des groupes qu’on écoute encore et pour lesquels on se demande pourquoi on s’inflige ça, déception après inintérêt. Le cas des Tindersticks est un peu différent. Si on ne peut pas prétendre avoir à chaque fois succombé aux charmes d’un album fantastique, il y avait toujours des raisons d’y revenir, de ne pas lâcher l’affaire après 30 (gasp...) années de fréquentation.
    Cet album ne (…)

  • Nick Cave and The Bad Seeds – Wild God

    La nature a horreur du vide, l’industrie musicale encore plus. C’est donc une volonté de la maison de disques de propulser le crooner crépusculaire australien au sommet, déserté par des gens comme Leonard Cohen ou David Bowie pour d’évidentes raisons de décès. Et il semble que ça marche, cette sortie est précédée d’un abondant tam-tam. Pour le reste, c’est aussi la connivence qui va jouer. (…)

  • The National - Rome

    On a déjà avancé l’idée que The National serait le plus grand groupe de rock du monde. Ou alors pas loin. Mais sans doute par défaut. Il faut dire que leur succès est arrivé sur le tard et presque malgré eux. Ils peuvent se targuer d’une impressionnante discographie. Et puis il y a cette sensation que les albums s’enchainent sans que leur statut n’impose leur contenu. Ils arrivent à avoir des (…)

  • Xiu Xiu – 13’’ Frank Beltrame Italian Stiletto with Bison Horn Grips

    Jamie Stewart est un artiste qui fait de la musique excitante. De combien pouvez-vous dire ça ? On ne veut pas dire qu’il a toujours tout réussi, tout le temps, mais on prend toujours de ses nouvelles avec une curiosité certaine. On sait qu’on va être surpris, un peu secoués et peut-être même un peu soufflés. Ou même beaucoup soufflés dans le cas qui nous occupe, à savoir le successeur du (…)

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Cloud Cult - Alchemy Creek

    On a fatalement un panthéon de groupes indés attachants. Et tout en haut figure cette formation du Minnesota. On pourrait aussi citer The Rural Alberta Advantage ou Port O’Brien au sein de cet aéropage héritier d’une époque où l’engagement total était un style en soi. Le résultat est un charme fou lié à cette intensité réelle.
    Hors mode donc mais leur inclination pro-climat, leur volonté de (…)