lundi 21 juillet 2008, par
Montée en puissance
Année après année, Dour s’est imposé comme un incontournable des festivals belges. Européens peut-être même. L’édition précédente a vu son affiche s’étoffer mais l’organisation avait vu ses limites mises au grand jour. Gestion chaotique du camping, site devenu un dépotoir à ciel ouvert, il était temps d’améliorer bien de choses. C’est avec cet état d’esprit qu’on a abordé le festival.
Et, une fois sur place, on entre plus vite sur le site et l’espace a bien été augmenté, les poubelles sont plus présentes. Tout pour mettre de bonne humeur. De bonnes dispositions qui nous feront voir The Teenagers. Le groupe de Français expatrié à Londres joue un pop-rock enjoué qu’on aura intérêt à revoir en étant plus chauds. Pas de round d’observation par contre pour Foals. Dans la droite ligne d’un album qui reste vissé à nos oreilles et d’une prestation énergique au Polsslag, le groupe d’Oxford nous gratifie d’une prestation tribale bien emballante. Si une partie des subtilités du cd sont dues au travail sur le son, c’est clairement le rythme qui est au centre de leurs préoccupations, que ce soit au niveau d’une rythmique qui ne faiblira pas, des efforts coordonnés des deux guitares contrebalançant l’équilibre du son et d’un chant qui se scande plus qu’autre chose. Une des découvertes de 2008 assurément.
(The Teenagers)
Au-delà des confirmations des formations qu’on a entouré sur le programme, il y a ceux qu’on est venus voir par pure curiosité. Je n’attendais pas vraiment The Whitest Boy Alive qui doit aussi son succès public à la pluie qui s’abat et rentre les gens sous le chapiteau. Mais le groupe d’Erlend Øye (fondateurs de Kings of Convenience) pratique un groove auquel il est difficile de résister. Quelque part entre le post-kraut de Fujiya & Miyagi et la folie de Moloko, ils enflamment la tente. Très bonne surprise venue de nulle part.
(Foals)
On avait beau avoir déjà goûté aux parfums sombres du dernier album d’Ez3kiel, rien ne nous préparait vraiment à la noirceur et à la puissance de leurs prestation scénique. Rehaussé d’un visuel à couper le souffle, le concert joue sur les ambiances, sur les ruptures, avec un soin et une maitrise impressionnantes. Une claque ? Oui, une claque. Le soufflet aura le temps de refroidir pour Goldfrapp. La foule est là sur la grande scène et, tout de blanc vêtu, le pléthorique line-up n’arrivera pas à nous faire chavirer. Pas plus que la voix toujours aussi suggestive d’Alisson. Donc, les conditions pluvieuses n’étant pas très favorables au lounge, on s’ennuie un peu. Dommage. Pas moyen de s’ennuyer par contre avec Modeselektor. Le duo teuton pratique déjà un genre qui ne génère pas de mélancolie, quelque part entre hip-hop en transe et electro énergique, et leur abattage est toujours aussi rigolo à voir. On a vu les mêmes grimaces au Polsslag mais on n’est pas encore lassés.
(The Whitest Boy Alive)
A cette heure qui avance, place à Ellen Allien. Si son set très sec ne séduit pas mes compagnons, elle reste pour moi difficilement déboulonnable dans son genre electro un brin élitiste mais tellement indispensable. Je n’en dirais pas autant de Tiga, qui commence à user à force de se produire sans plus rien publier. Mais dans le cadre festif d’un Dour, c’est un succès assuré. Le temps de se demander la raison de l’attachement du public à un genre aussi codé et difficile que la drum ‘n bass qui empêche de s’approcher à moins de 50m de Pendulum, il est déjà temps de partir, d’abondamment glisser (mais pas tomber) sur la nouvelle allée en terre le long de la câblerie, de pousser une voiture qui s’embourbait et m’a garni le visage de très esthétiques piqûres de boue et on pouvait conclure cette première journée.
Pas de round d’observation le second jour. Dès le portique franchi (jamais de file, bien vu) Do or Die nous surprend à froid avec son hardcore sans concessions. Evidemment, les Hennuyers ne font pas dans la dentelle, avec borborygmes en guise de chant, rythmique supersonique et anglais local (le délicieux « thank you everymuch ») mais on est content d’être là, de voir un groupe qu’on ne serait jamais allés voir et on reste jusqu’au bout, parce que la musique qui fait du bruit fait partie du décor de Dour.
Avec un guitariste qui aurait pu jouer des arrache-tympans au vu du look mais qui est dans les faits à l’opposé du spectre musical, les gentils Pinback nous ont assuré un atterrissage en douceur. Pas retenable pour un sou notez bien, mais agréable à l’oreille et les nombreuses personnes profitant de l’absence de pluie en prenant leurs aises sur la Red Frequency Stage seront d’accord avec moi sans doute.
Poussée inutilement à un volume sonore élevé, la musique instrumentale de Ratatat est une bonne surprise en live. Alors qu’on la confinerait bien à une écoute en sourdine, l’implication des musiciens est telle qu’on se prend au jeu. Et on apprend au passage que la plupart des lignes mélodiques sortent d’une vraie guitare à corde. Bonne chose.
Alors que nos choix ont été plutôt sélect ces derniers temps, on rencontre beaucoup de monde au concert d’Arid. Même placés très loin de la scène, on assiste distraitement à la prestation des Gantois. Le dernier album m’avait passablement ennuyé mais quand sont entonnés quelques titres plus anciens, l’attention augmente. Little Things of Venom contient de très bons moments de musique et ne comptez pas sur moi pour le nier. On reste dans nos compatriotes pour aller voir Jeronimo, qu’on est contents de voir plus qu’en guitariste de Saint-André. De nouveaux titres sont joués et annoncent sans doute un album, ce qu’on souhaite à ce bon manieur de six-cordes.
Mais ce n’étaient que zakouskis pour les deux groupes qui nous avaient alléchés. Les Allemands de The Notwist m’avaient beaucoup séduit par leur univers sur leur The Devil, you + Me sorti cette année (et critiqué ici) et la barre était placée assez haut. Et dans ce jour qui déclinait, les ambiances furent à la hauteur. Plus groove que prévu, le mariage d’un songwriting de haut niveau et d’arrangements inspirés, allant de l’électronica à des moments noisy du plus bel effet réussit au-delà de nos espérances. Ne connaissant pas la plupart des titres joués, je me dis que j’ai encore de belles découvertes à faire chez eux. Ils restent plutôt fermés au public mais quand l’attention est à ce point portée sur les morceaux il serait bien malvenu de se plaindre. Gloomy Planets et ses étages de propulsion terminent en apothéose ce tout grand concert. On retombe un peu de son nuage avec Wax Tailor qui séduit plus quand deux musiciennes et une bonne chanteuse viennent apporter de la rondeur que quand son hip-hop plus basique pointe le bout de son nez.
On connaissait déjà les prestations de Battles et la foule ne s’y était pas trompée. Trois guitaristes virtuoses et un des batteurs les plus impressionnants constituent le line-up de ce groupe finalement inclassable. On a parlé de math-rock pour leur caractère anguleux mais ce n’est pas tout à fait exact vu que leur principal effet est une euphorie et une envie irrépressible de gigoter. Quand des musiciens de ce standing se concentrent sur une énergie maximale, le mélange prend forcément et on est à l’intersection de plusieurs mondes, de l’énergie rock à la finesse jazz en passant par des apports de la technologie (les boucles, les effets), c’est une musique bien actuelle qui est proposée. Et un morceau comme Atlas est destiné à rester. Il n’y a qu’à voir les pogos qui se lancent après la pulsation tellement caractéristique de l’intro. On était venus avec un minimum d’appréhension car l’attente était grande et on a eu la prestation au cordeau qui nous a tant impressionnés.
Alors qu’il a écrit un des albums (mix ?) fondateurs de l’electro minimale avec Transitions, Richie Hawtin propose un set plus ‘dur’, plus en phase avec le public. On accroche moins donc. On terminera la journée sur la prestation de Surkin. Le tout jeune (20 ans mais il a l’air encore plus poupin que ça) musicien enchaine les pistes de son live de façon frénétique. Pied au plancher et c’est ça qui marche. Ce n’est pas toujours d’une finesse folle mais bon, on n’est pas là pour ça non plus.
C’est à ce moment-là que je jette l’éponge, la tête déjà pleine de souvenirs mais le corps harassé par cinq jours de festival et trois de boulot pour neuf de calendrier. Dour a su passer du statut de festival sympa à une organisation aux standards actuels établis par des valeurs sûres (Werchter, Pukkelpop) et des plus jeunes créations (Ardentes). On y reviendra d’autant plus volontiers que l’esprit de fête reste présent et que l’affiche garde toute sa saveur. A ce moment de mon récit, j’ai une pensée particulière pour ceux qui m’ont accompagné. Si j’accepte de me rendre à des concerts seul, le plaisir d’être bien entouré en festival est toujours aussi irremplaçable. Merci donc à Paulo, François, Mathusalem, Seb, Arnaud et Romain.
(ajout Paulo)
Merci Marc pour ces bons mots, le plaisir est pour nous d’avoir pareil musicologue toujours motivé à faire des découvertes.
Je me propose, n’ayant pas ta prose, de compléter rapidemment cet article, histoire de décrire la fin du festival et de compléter les récits de nos autres bons compagnons qui ont posté leur opinion en commentaire.
Ainsi le samedi n’était pas mal non plus, on a commencé avec le bon groove de Flying Lotus, nouvelle recrue de l’écurie Warp qui tourne pas mal dans le coin en ce moment, puisqu’il sera encore présent au festival Les Nuits Secrètes début Août dans le nord de la france.
On a continué avec du bon noisy Zu vs Dälek de l’écurie Mike Patton apparemment, le moment d’entreprendre une bonne discussion sur John Zorn&co. Une blanche et du vieux Meat Puppets sous le soleil, histoire de rater comme il faut IAMX, pour que Dour soit dour (ndlr:une vieille habitude...).
Peu de choses en fin de soirée, on se repose dans l’espace détente autour d’une spéciale. Un vague souvenir de Punish Yourself et des disqueuses, et il est déjà minuit, parés pour la claque de Clark en live. C’est breakbeat, alien, dur, violent et intelligent, les limites du hardcore sont repoussées, même rehaussées, si ça n’est pas IDM (intelligent dance music), c’est probablement IHM (intelligent hardcore music). 5min de Otto Von Schirach et DJ Urine, histoire de rigoler, mais le mauvais goût (enfin les goûts et les couleurs...) a ses limites.
On finit avec Superlux, qui fut une vrai bonne découverte en live.
(ajout Paulo)
On attaque tard dans l’après-midi avec The (International) Noise Conspiracy, sympa le chanteur qui dance dans et avec le public. Didier Super est super (supercon aussi), on rigole bien de sa provocation cynique, il assure. Ensuite, on ne sait plus où donner de la tête, Hollywood Pornstar prend le dessus le temps de manger un hotdog et de finir les tickets, Aqme pour s’achever (et se consterner) et se dire qu’il est de temps de partir pour adopter la position nihiliste par rapport au concert à problèmes de la fin de soirée. Bon ça ne vaut pas une fin sur Amon Tobin en 2007 mais c’est plus sage. Remarque, ça aurait été le cas si The Battles avait cloturé le festival sur la grande scène...
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