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Ghinzu - Mirror Mirror

dimanche 26 avril 2009, par Fred, marc

Espèce de gros son !


Ah on en aura parlé de cet album. Et comme Chinese Democracy était enfin sorti, on en était venu à le mentionner en private joke : "Et alors, il sort quand le prochain Ghinzu ?". Car, pour tout vous dire, on n’attendait plus ce troisième album. Blow sorti en 2004, on nous annonçait déjà la sortie de son successeur en 2007, quelques mois après une prestation "test" aux Ardentes.
Plus d’un an plus tard, le voici enfin et restait à espérer que son contenu soit encore de première fraicheur. Autant le dire tout de suite, et avec un recul de plusieurs semaines, on est agréablement surpris de ne pas être trop déçus.

Où en est donc la bande à Stargasm, après son premier album Electronic Jacuzzi qui sentait la suite de dEUS mais montrait de réelles qualités d’ambiances et un bombastique second ? Eh bien l’évolution semble logique, mais on a perdu un peu d’inspiration au profit d’un son ‘bigger than life’. De toute façon, on sait depuis l’album précédent et depuis qu’on les a vus à maintes reprises en concert que la subtilité n’est pas leur fort. Mais on les apprécie aussi pour ça, pour leur manque de modestie quasi caricatural. La musique est aussi un spectacle et de temps en temps, de l’animation, un Of Montreal par exemple, on en a besoin. De plus, quand le matage de ses chaussures est souvent un sport national, un peu d’extériorisation ne fait pas de tort, et détonne un peu dans le paysage belge francophone.

D’emblée, ils assènent leur single Cold Love, et on peut dire qu’il fait le boulot d’introduction à l’album. Ce n’est cependant pas un morceau du calibre de Blow, et son optique est radicalement différente. Mais il faut bien le dire, son prédécesseur introduisait tellement bien l’album du même nom (et les concerts) avec ses ruptures, son ambiance, sa progression que la barre était placée un peu haut. Cold Love reste toutefois une belle réussite, dans la veine musclée de l’album.

C’est d’ailleurs dans cette veine qu’il faudra aller chercher les meilleurs moments. Il y a certes des facilités mais devant lesquels on s’incline (The Dream Maker qui est quand même trop proche de Cold Love). Ils maitrisent de toute façon leur rock un peu classique, basique dans ses intentions comme dans son résultat (Mirror, Mirror).
Mais ils réussissent aussi des morceaux plus légers et la référence aux Strokes de Take It Easy est vraiment littérale. On en retrouve aussi la trace plus diluée, donc plus personnelle sur The End Of The World qui est un des hauts faits de l’album. On sent bien que nos pieds ne vont pas tarder à connaître ce rythme... Et si Efficacité est un mot qu’on applique rarement à un groupe belge (ce n’est pas un reproche), ce morceau avec sa grosse basse ronde et son déboulé de piano (qui leur est typique) méritent l’appellation.

Mais l’énergie ne suffit pas toujours (Kill The Surfer) et il arrive qu’ils manquent d’idée pour mettre celle-ci en forme. Ca fait alors définitivement remplissage.
Ce n’est par contre pas le cas quand ils poussent le snobisme jusqu’à parler français avec un mauvais accent (Je T’Attendrai). Ce gimmick décalé étant le seul élément au second degré du morceau, on se demande où ils voulent en venir vu qu’avec un chant plus conventionnel, on aurait simplement eu un des moments les plus remuants et entrainants de l’album.

Ca, c’est pour le côté puissant de la force. Pour le reste, il y a des morceaux downtempo où on attend un peu en vain un peu d’action (This Light) et qui ne se révèlent finalement que pompeux. Ca pourra peut-être servir en concert ceci dit mais il est frustrant d’attendre sur Mother Allegra une déflagration qui ne vient pas.

Marrant de voir débouler un Interstellar Orgy quand en parallèle il y a un Archive sur le feu. Le recyclage post-rock ne semble donc pas envisagé. Il faut le voir plutôt comme le chill-out zone de l’album, un peu inutile vu qu’on n’a quand même pas été secoués au point de demander un sas de décompression, qui plus est exagérément long. C’est de bonne facture mais ça manque désespérément de souffle, alors évidemment, 8 minutes sans souffle... Le constat est le même pour l’interlude ambient de Birds In My Head, pas vraiment nécessaire ou passionnant.

Finalement, le principal bémol pour cet album, c’est d’avoir essayé de cacher sous le gros son l’absence de morceau à même de trancher sur la production comme ils y arrivaient par le passé. La mission est accomplie cependant, avec des morceaux qui ont une pêche certaine et un son gros comme ça. Mais c’est dans l’intérêt moindre des morceaux qui n’ont pas été abordés les-doigts-dans-la- prise (tm) qu’il faut chercher le sentiment mitigé qui nous a étreints à chaque écoute. Et puis surtout, ils n’arrivent plus à passer la surmultipliée d’un morceau qui reposerait à la fois sur l’ambiance et l’abattage.

Après une attente pareille et un album précédent vraiment marquant, la mission de Mirror, Mirror n’était pas aisée. Mais ils s’en sortent bien, au delà de ce qu’on a pu craindre pour eux. S’il leur faut maintenant monter dans les tours pour tenir la route, ils assurent l’essentiel, c’est-à-dire donner de la matière à de nouveaux concerts.


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3 Messages

  • Ghinzu - Mirror Mirror 27 avril 2009 16:01, par mmarsupilami

    OK, passons donc aux concerts puisqu’ils étaient au TRIX (Anvers) vendredi passé.

    Ce fut un peu à l’image de l’album finalement. Je partage plutôt le contenu de la review ci-dessus.

    Construit -voire parfois un peu trop complexe pour une oreille vierge, me disait mon voisin qui n’avait pas encore entendu le CD avant le concert- dans la première partie.

    Energique et décoiffant dans la seconde. Très, très gros son comme dit le chroniqueur ci-devant. Et d’enfiler des crescendo (crescendos, crescendi ?) et plaquages d’accords pianistiques dignes d’Electronic Jacuzzi (morceau repris pour la circonstance). Et des rappels qu’il n’a guère fallu solliciter, tant Stargasm et ses acolytes avaient visiblement envie de les donner. Le public -très francophone, crois-je- les aurait de toute façon réclamés...

    Les morceaux plus lents ont été l’occasion d’un vaste brouhaha comme je n’en avais plus vu depuis les... morceaux lents des concerts de DEUS de la dernière tournée.

    Plus que jamais, la parenté entre les deux groupes est évidente. Jusqu’à pousser au mimétisme. Souvenez-vous comment on a attendu aussi le dernier DEUS. Dans chacun des cas, des musiciens belges ont de l’ambition et visent la production d’un album qui ne soit pas monogenre et/ou monolithique.

    Ce n’est pas un succès total. Faut-il être indulgent ?

    Si j’ai bien compris, maintenant, faudra attendre Werchter et les Ardentes pour les revoir en Belgique. Toujours pas bien saisi la logique de cette tournée depuis la sortie de l’album : un festival du fromage à Herve, une date au Luxembourg, l’Eden à Charleroi, dix gigs en France, puis Gand, puis le Trix à Borgerhout. Et maintenant, ils refilent en France (où il est vrai, d’après ce que j’avais entendu, ils avaient vendu 80 000 des 100 000 exemplaires de leur album précédent) pour ne revenir ici que pour Werchter puis les Ardentes.

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  • Ghinzu - Mirror Mirror 27 avril 2009 19:29, par Laurent

    Je m’étais juré de cracher sur ce disque après sa preview à l’Ancienne Belgique en novembre 2007. Entre les extraits maîtrisés des deux premiers albums, on avait droit à quelques brouillons même pas dignes de garnir la compile de demos nineties d’un groupe sous-grunge, des trucs avec même pas l’ébauche d’un arrangement. Ce jour-là, on m’aurait parlé d’un Ghinzu unplugged, j’aurais répondu : suicide artistique... les gens vont se rendre compte qu’ils n’ont pas de chansons.

    Et voilà-t’y pas que notre arlésienne nationale (depuis que dEUS ressort des disques) fait paraître "Mirror Mirror". Choc dans l’intime du fan de math-rock : mon Dieu, mais c’est quoi ce plagiat de Battles ? Un hommage, ou bien ils ont cru que ça ne se verrait pas ? Pour ceux qui ont un doute, se référer d’urgence à la pochette du premier album des géniaux Américains. Passé cette première pilule, il faut encore avaler la parodie des Strokes (flagrant en effet) et celle de Nine Inch Nails (le refrain pianistique de The End of the World). Pour se rendre compte, au terme de la première écoute, qu’on est finalement plus charmé qu’atterré.

    L’album ne se bonifie pas vraiment au fil des écoutes suivantes mais l’envie de rappuyer sur ’PLAY’ est incontrôlable. Take It Easy s’avère formidable (et a au moins l’avantage de ne pas sonner comme du Ghinzu), le triptyque Mother Allegra / Mirror Mirror / Dream Maker aurait pu devenir un morceau épique entre les mains de Nigel Godrich, mais ça aurait tout de même pué l’autoparodie. Je vais vous dire : je ne m’ennuie pas une seconde de This Light et Je T’attendrai est une de mes plages préférées. Et oui, effectivement, il y a le son : énorme, rivalisant sans peine avec celui des derniers dEUS (même si on aurait préféré le système D - pardon, d - d’un "The Ideal Crash"). En Belgique, ils ne sont donc que deux à sonner aussi large.

    Certes, les recettes se suivent et se rappliquent (doubles voix über filtrées, jeu de clavier identifiable entre mille) mais à défaut de génie, voilà un groupe qui tient miraculeusement en équilibre en parvenant à faire passer sa monochromie chronique pour de la cohérence, et ses gimmicks pour des idées. Franchement, il y a des jours où on ne demande vraiment rien de plus. Merci donc à Ghinzu pour la trajet Zaventem-Kortenberg du 16 avril dernier, j’ai passé un moment agréable.

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  • Ghinzu - Mirror Mirror 9 mai 2009 21:36, par Yann Lebout

    Gros sons, oui, mais je ne partage pas tout à fait ton avis dans les détails, mais bien dans sa globalité...

    Voir en ligne : (H)o(u)tlines

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