samedi 20 mars 2010, par
Les joies de l’artisanat
À une époque pas si lointaine, le mot ‘folktronica’ résonnait comme un vrai concept. Son hermaphrodisme sous-jacent lui donnait le potentiel pour séduire cette large frange du milieu, amatrice modérée des murges en club comme des veillées autour du feu de camp. Manque de pot, les barbus qui chantent dans la forêt sont entre-temps revenus en odeur de sainteté, au même titre que faire du rock sans guitare ni batterie est devenu monnaie courante. Difficile donc, pour les indécis comme Tunng, de se faire aujourd’hui une place au soleil quand on hésite entre deux zones d’ombre.
Construit au départ comme un projet vaguement expérimental, Tunng s’est d’abord articulé autour d’un duo : le producteur Mike Lindsay greffait quelques fioritures synthétiques sur le songwriting traditionnel de Sam Genders, et le tour était joué. La formule s’est enrichie au fil des albums, notamment par la présence renforcée de voix féminines ou des arrangements de plus en plus classieux, mais elle s’est mise à plafonner sur le décevant, quoique relativement acclamé "Good Arrows", leur troisième longue-durée. Conscient ou non de cette impasse artistique, Genders s’en est allé fonder The Accidental, un album pas terrible au compteur mais manifestement plus qu’un loisir parallèle, puisqu’il n’en est jamais revenu.
C’est donc à un nouveau départ que nous convie Tunng sur "And Then We Saw Land", un disque qui frappe d’entrée de jeu par son tempérament enjoué. Le single Hustle ouvre en effet ce qu’on pourrait qualifier de festivités ; rien de fondamentalement désopilant, mais un titre espiègle et printanier qui donne envie de sa balader à vélo. Étrangement, la défection de Genders n’a en aucun cas sonné le glas du format chanson ; au contraire, les touches électroniques sont si discrètes que le terme ‘folktronica’ est ici totalement galvaudé – s’il a jamais eu une quelconque validité. "And Then We Saw Land" rassemble, simplement, des comptines pop-folk de très honnête facture, sans la moindre ambition avant-gardiste ou syncrétique.
Il est évident qu’un titre comme The Roadside aurait perdu un peu de son charme si l’on ne l’avait rapiécé avec quelques bouts de ficelle, ou que l’instrumental By Dusk They Were in the City doit beaucoup à ses percussions postiches, glanées du côté de chez Troy Von Balthazar. Néanmoins, l’ensemble reste ligneux et fait davantage penser à des Earlies primesautiers, voire à des Espers plus légers, ce à quoi contribue grandement l’omniprésence vocale de Becky Jacobs. L’alliance des voix masculine et féminine donne ainsi à It Breaks une grâce quasi désuète, tandis que le chœur de Don’t Look Down or Back sonnerait presque comme un vieux chant pirate ; en somme, la tentative de produire une musique à l’ancienne par des gens qui portent tous les stigmates de la modernité.
Dommage que le songwriting ne soit pas toujours à la hauteur de la manière. On se rend compte, passé un réjouissant Sashimi, que les morceaux plus dépouillés tiennent moins bien la route et que le groupe n’a pas intérêt à abandonner de si tôt la broderie. Malgré son ventre mou, "And Then We Saw Land" s’apparente cependant à ce que Tunng a réalisé de plus abouti à ce jour. Comme beaucoup d’artisans, ils ne sont sans doute pas destinés à prospérer, mais on préférera toujours leur savoir-faire d’orfèvres à bon nombre de productions industrielles.
Chez Sufjan Stevens, il y a les choses qu’on admire et celles qu’on adore et ce ne sont pas nécessairement les mêmes. Et si chez les fans de la première heure le meilleur était au début, c’est sans doute son fantastique Carrie and Lowell qui a été le plus acclamé et est considéré comme la ‘base’ de son style. Parce que Sufjan, c’est bien plus large que ça, entre albums hénaurmes et risqués, ambient pas (...)
L’album enregistré en Islande semble être un passage obligé pour bien des musiciens. A l’instar de compatriotes comme John Grant ou Low Roar (le regretté Ryan Karazija), Blake Aaron Henderson a suivi les conseils de son ami harpiste Úlfur Hansson et est allé enregistrer son cinquième album sur la fameuse île.
Et comme presque tout ce qui émane de ces terres d’exception, il en ressort une délicatesse (...)
S’il n’est pas immédiatement associé à une scène folk historique, le pédigrée de Rufus Wainwright ne laisse pas de doute. Il est le fils de Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle (chanteurs folk proches de la scène de Laurel Canyon) après tout et tant qu’à rester en famille ses sœurs Lucy et Martha sont là, sa tante Anna McGarrigle aussi. Mais ce n’est pas vraiment un album familial pour autant, il y a (...)
Oui, Clara Engel nous revient déjà. Mais c’est surtout parce qu’il nous avait fallu du temps pour faire le tour de Their Invisible Hands. On connait maintenant l’univers de l’artiste canadienne et on se sent tout de suite chez nous. Eloge de la lenteur, du recueillement, il pousse à la contemplation et à reprendre le contrôle du temps. Donc il faut aussi la bonne disposition. Tout comme on n’entre pas (...)