vendredi 17 septembre 2010, par
Le champ des sensibles
Mark Everett est un des plus précieux amis que le cercle élargi du paysage indé ait donné à rencontrer. Quinze ans et des poussières qu’il roule sa bosse – et ses plaies – sur une dizaine d’albums qui l’ont rendu si attachant à ceux qui l’aiment. Au fil des ans, on a appris à composer avec sa personnalité torturée et pince-sans-rire. Imprévisible mais toujours fidèle à lui-même. Chacune de ses visites reste ce moment dont on chérira le souvenir, quelle qu’ait été son humeur changeante. On le sait souvent cafardeux mais il a ses raisons ; et qu’il pleure discrètement sur son sort ou le condense en éructation lupine, sa compagnie est toujours un cadeau.
Les visites se sont rapprochées dernièrement. Véhément, « E » a de plus en plus de choses à dire parce que sa vie amoureuse s’est emballée cette année. Consumé par le désir (“Hombre Lobo”), consommé par la rupture (“End Times”), le voilà qui revient gonflé d’espoir. Empli d’une sérénité nouvelle (What I Have to Offer), confiant en ses lendemains (I Like the Way This Is Going), Mr E délaisse son « beautiful blues » et explore le champ lexical de la gratitude. Remerciant le ciel dans un gospel fiévreux (Looking Up) ou l’amour retrouvé au détour d’une valse de vieux robots déglingués (Oh So Lovely), Eels semble à nouveau heureux et rappelle implicitement la question de circonstance : le bonheur de l’artiste porte-t-il préjudice à l’art ?
Cela ne paraît pas pertinent ici. Le barbu à lunettes, disons-le, est en petite forme au moins depuis son album précédent, et ça n’a rien à voir avec ses hauts et bas biographiques. Sa prolificité, en revanche, pourrait expliquer le moindre intérêt qu’éveille “Tomorrow Morning” dans sa totalité. Eels a pourtant voulu le relancer en s’entichant de boîtes à rythme parfois cocasses, comme sur un Baby Loves Me candide et déstructuré ou le quasi expérimental This Is Where It Gets Good. On ne sait pas s’il faut voir là quelques indices d’avenir, mais on préférerait l’entendre évoluer vers l’épure du presque a capella The Morning et la fragilité tendue de I’m a Hummingbird. Là , Eels parvient à se régénérer dans une transparence inédite, un équilibre surprenant.
On ne criera pas au miracle. “Tomorrow Morning” n’a pas la carrure d’un disque définitif ou fondateur, le garant d’une renaissance ou d’un virage à 180 degrés. L’artiste y étend simplement le champ des sensibles, sans éviter par moments une relative fadeur. Le rose pâle de la pochette illustre bien l’allégresse sourde qui rend Mark Everett un peu plus vivant mais toujours impropre à l’exaltation. Pourtant, même si sa compagnie n’est plus aussi passionnante que par le passé, soyons à notre tour reconnaissants : nous sommes bénis de le compter parmi nos amis.
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