jeudi 17 décembre 2015, par
Une compilation de Mogwai, pourquoi faire ? C’est une question légitime mais à laquelle il n’est pas trop compliqué de répondre. Parce que plus qu’une compilation vite fait pour ceux qui découvrent le nom et veulent mettre une musique dessus (il y a des pelles de listes en streaming pour ça en 2015), Central Belters propose une large vue d’ensemble. Et comme à chaque fois, il y a des a-priori qui peuvent se discuter. Ce qui est indiscutable par contre, c’est qu’en 20 ans et 8 albums studio, la place de Mogwai dans le paysage a toujours été importante. Et au vu de leurs bonnes ventes récentes, on ne peut même pas dire qu’ils sont devenus des dinosaures adulés d’une minorité de quadragénaires.
Central Belters (allusion à leur origine écossaise) n’est pas exactement un best-of parce qu’il manque quelques pièces essentielles comme Like Herod, climax de leurs souvent explosives prestations scéniques. Ils ont choisi de presque classer cette riche (3 CD) compilation par ordre chronologique. Presque parce que si les 2 premiers albums regroupent des époques, ce n’est pas le strict ordonnancement des sorties qui prévaut. Il est encore moins respecté sur le troisième volet présentant quelques extraits d’EP et autres raretés ayant son ordonnancement.
Parmi les choix qui interpellent, il y a la surreprésentation des morceaux chantés. Tour d’abord parce qu’ils représentent une faible portion de leur discographie et mettent à mal le mythe d’un post-rock purement instrumental. Ensuite parce que ce sont rarement les passages les plus marquants. Ajouter une voix noyée comme sur Hunted by a Freak qui préfigure beaucoup ce qu’on entendra plus tard chez eux, ne présenter qu’un embryon de mélodie planqué dans le mix (Take Me Somewhere Nice), quasi inaudible (Mexican Grand Prix) et presque fausse (Devil Rides) n’ajoute que peu et contraste avec leur impeccable science du son. De plus, celui qui m’est apparu comme le plus abouti dans le genre (Blues Hour) n’apparait pas ici. Sans doute que leur salut dans le genre viendrait d’un apport extérieur, piste très peu explorée même si on signale la présence de Roky Erikson (des vétérans psyché 13th Floor Elevator) sur Devil Rides.
Si on ne leur attribue pas souvent la paternité du post-rock (allez voir pour ça du côté de The Slint), il est indéniable qu’ils ont largement contribué à le populariser et le faire évoluer. Enfin, eux ont su le faire, et cette vue d’ensemble en révèle la surprenante cohérence, remarquablement imperméable aux modes. Surtout qu’avec le recul, on peut déceler très tôt les pistes qui seront approfondies plus tard. Des morceaux comme Christmas Steps ou Summer montrent déjà un son bien épais et quelques bienvenues variations. C’est sans doute avec Mr Beast que le revirement vers des morceaux plus compacts a été le plus visible. Ceci dit, il y a peu de morceaux démesurément longs ici et les structures basées sur les ruptures franches, tellement génératrices d’adrénaline en concert, ne sont presque jamais privilégiées. Les clichés ont la vie dure même s’ils ne résistent que peu à l’observation des faits.
Un des intérêts des compilations est évidement de retrouver une liste de morceaux marquants qui démontrent leur force d’impact et de percussion. Vous aurez donc droit à Mogwai Fears Satan et autres Auto Rock ou Rano Pano, ainsi que quelques morceaux qui montrent toute leur science du titre (I’m Jim Morrisson, I’m Dead). On sait aussi qu’ils se sont frottés avec bonheur à l’exercice de la musique de film et des extraits de Half Time (reportage sur Zinedine Zidane) et de l’épatante BO des Revenants, même si le premier extrait est moins emblématique.
Fort logiquement aussi, le troisième CD apparaîtra moins indispensable au profane, car plus inégal à cause d’extraits moins fascinants (Hugh Dallas). Mais placé en toute fin, le long et lancinant My Father My King (basé sur un chant hébreu traditionnel) vaut le déplacement. Oui, ça s’arrête même complétement avant de repartir, comme le veut le genre et c’est ce morceau qui clôture souvent leurs prestations qui termine aussi ce box de bien forte manière
Partant du principe que les fans hardcore ont déjà tout ce matériel sous la main à quelques exceptions près et que la sélection est forcément discutable, il y a pourtant un intérêt à ce Central Belters. Donc, si vous vous êtes toujours demandé par quel bout aborder la discographie d’un groupe majeur d’un genre qui s’étiole (rassurez-vous, ils ne chantent en fait que très peu sur les albums), cette solide sélection est pour vous. Seconde étape pour découvrir le groupe, investir dans des bouchons et se rendre à un concert, leur milieu d’expression naturel où ils restent souverains.
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