lundi 15 mars 2010, par
Rien à vivre
Il y a toujours comme un plaisir nébuleux à s’immerger dans un disque danois. Pour les amateurs de rock voyageur, le Danemark est un peu, avec l’Islande, cette terre d’exotisme soft où l’on recule d’un iota les frontières du possible. Il y a la magie de la langue, bien sûr, mais surtout cette capacité à s’arracher au sol sans avoir nécessairement recours au progrès technologique. J’ai toujours préféré les Indiens aux cow-boys : une cuite au bourbon dans un saloon plein de glaviots a fatalement moins de charme qu’une transe au coin du feu dans la fumée des herbes médicinales. Et la chasse au bison possède une beauté sauvage, quand le duel au soleil relève juste de la barbarie. Ces métaphores ne nous éloignent pas tant du sujet, si l’on prend conscience de la liberté farouche qui émane de la musique d’Under Byen. Auteurs d’albums pétrifiants et de prestations live catatoniques, ils offrent une suite logique à leur parcours avec ce quatrième opus.
Les ingrédients n’ont pas changé : chaque composition laisse la part belle à des cordes anxiogènes et à des percussions étourdies, préparant le terrain pour la voix de chat blessé de Henriette Sennenvaldt. Un chat blessé, ou alors qui fait semblant, pour mieux saisir sa proie à la gorge. Le chant n’a certes rien de démonstratif, mais c’est sans conteste sa torpeur chamanique qui relie l’ensemble, conférant à l’album sa cohérence comme son vénéneux parfum. Sur la pochette d’"Alt Er Tabt", les titres sont flous, quasi illisibles, autant que la musique qu’ils confinent est impénétrable. Par moments, on jurerait du noise-rock acoustique, à d’autres une ambient rocailleuse. Quelque chose de fondamentalement organique mais qui devrait autant aux cristaux de glace qu’à la roche en fusion. La complainte fataliste d’anges déchus cherchant vainement à dire la pureté céleste avec, pour seuls instruments, les engins de feu du royaume des Enfers.
La beauté difforme qui résulte de cette improbable union suscite l’empathie dès 8, une bal(l)ade apéritive tordue et désaccordée. La circonspection ne durera guère plus de deux minutes, Territorium plongeant déjà dans le vif du sujet : avec ses violons oppressants, son harmonica déglingué et surtout cette guitare morriconienne, Under Byen nous ramène au cœur du western. Les Indiens sont sur le sentier de la guerre et Alt Er Tabt (la chanson) accompagne leur rituel martial. Un synthétiseur vintage s’est présenté et, sous l’apparence traîtresse d’un héritier de Vangelis, il offre à Således son climat délétère. L’utilisation du souffle vocal à des fins lugubres rappelle par moments le travail de Björk sur "Medùlla", et l’on se dit que Murnau n’aurait pas trouvé meilleure bande-son à son Nosferatu. Jamais, auparavant, Under Byen n’avait donné à sa musique une orientation aussi désespérée – « alt er tabt » veut dire « tout est perdu » et on comprend pourquoi – si bien que chaque élément de sa trame sonore (une scie musicale ici, là un mélodica) concourt à convaincre l’auditeur qu’il n’y a rien à vivre en ce bas monde.
Musique suicidaire ou, au contraire, noble tentative de transcender la disgrâce ? C’est probablement dans cette tension insolvable que les Danois cherchent à se situer, comme semble l’illustrer la construction en quinconce de Kapitel 1. Une tension qui atteint son paroxysme au milieu du sillon, grâce à deux morceaux de bravoure. Ikke Latteren Men Øjeblikket Lige Efter exhorte au sang froid – « ikke latteren » pour « ne pas rire », si l’on en croit l’Assimil danois – avec une succession d’accords effectivement peu enjouée. Quant à Unoder, c’est une odeur de soufre qu’il distille durant sa lente et irrésistible montée en puissance ; jusqu’à la crue, écrasante, qui s’abat dans un maelström de piano possédé et de violoncelle furieux. Hagard, on sort de ce court périple sans certitudes. A-t-on oui ou non pu entrevoir un fragment d’au-delà ? La terre des morts ressemble-t-elle à cette géhenne épineuse et incandescente ? Quand bien même on aurait mal perçu les nuances de noir esquissées par Under Byen, une chose est sûre en tout cas : cet au-delà dont on parle, ils l’ont forcément visité.
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