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Unkle - Where Did the Night Fall

lundi 24 mai 2010, par Laurent

Série B


Évidemment, et même si ce n’est pas très chrétien, la première question qu’on est en droit de se poser serait de savoir si, aujourd’hui, Unkle a encore franchement quelque chose à dire. Du temps de son premier album, c’est clair, James Lavelle redonnait tout son sens au mot ‘crédibilité’. Du béton armé : DJ Shadow en partenaire de luxe, le gratin des organes britons (Thom Yorke, Ian Brown, Richard Ashcroft) à une époque où faire son chanteur rock sur un groove électro figurait un idéal œcuménique quasi novateur... Unkle, ça le faisait à donf. Et puis Lavelle s’est retrouvé seul aux manettes, et c’est là qu’on a compris qu’au fond, des gens comme Archive ou Death in Vegas n’avaient pas tant de choses à lui envier.

Pas forcément dotés d’une pertinence ou d’une durée de vie quantiques, les albums d’Unkle restent cependant d’agréables pastilles d’acid-rock que l’on accueille, à chaque nouvelle sortie, comme d’éphémères plaisirs démodés. “Where Did the Night Fall” ne déroge pas à la règle et, après le très cinématographique “End Titles” et son trop-plein d’instrumentaux vaporeux, le duo complété par Pablo Clements – nième alter ego « permanent » – renoue avec ses fondamentaux. Douze chansons – plus deux courts intermèdes – offertes à presque autant d’invités issus du rock le plus certifié.

Sauf que les invités en question n’ont plus le lustre d’autrefois. Casting de série B ? Il serait injuste de nier le talent, même discret, de shoegazers psychédéliques tels que Sleepy Sun ou les Black Angels, d’autant qu’ils imposent ici leur patte de façon très convaincante. Tant et si bien d’ailleurs qu’on a rarement l’impression d’avoir affaire à un projet électronique. Natural Selection ou The Answer, entre autres, se sentiraient tout aussi à l’aise sur un album de Primal Scream. Inutile d’évoquer pour autant un changement de direction : Lavelle tente de nous fidéliser à ces sonorités moins singulières depuis “Never Never Land” et, parmi les convives de son dernier banquet, on reconnaît un certain nombre de piliers de comptoir, pour la plupart issus de combos obscurs.

Dépassons donc – pour l’instant – les futiles considérations mondaines et recentrons-nous sur les chansons. Toutes sont de bonne facture, en particulier lorsque des voix féminines viennent les arracher à la terre ferme ; tour à tour fiévreuses (On a Wire et Joy Factory, soit l’ombre et la lumière) ou indomptables (la trance partielle de Caged Bird, la transe totale de Follow Me Down), ces dames emmènent l’album nettement plus loin que d’autres productions, certes de qualité mais limitées sur le plan du chant (Ablivion, comme si les membres du Beta Band s’étaient recyclés en courtiers d’assurances, ou cet Ever Rest franchement dépourvu d’altitude). Si, toutefois, James Lavelle est lui-même un piètre vocaliste, il atteint un bel équilibre sur Falling Stars.

Sûr de son coup, il a tout de même posé la question à Mark Lanegan : « Dis Marko, tu pourrais faire frissonner mes fans sur la dernière plage de mon nouvel album ? » Et Mark a dit oui... c’est-à-dire qu’il a simplement posé sa voix caverneuse et que, comme toujours lorsque l’instrumental est enfumé et élégiaque, le résultat flanque la chair de poule. Un disque bonus propose d’ailleurs la version instrumentale – étirée – de l’album : on pourrait jouer au puriste snob en arguant qu’on la lui préfère ; mais elle permet surtout de vérifier qu’au bout du compte, c’est bel et bien le choix des timbres – célèbres ou non – qui fait la différence. Pas de quoi faire d’Unkle une institution ou de ce disque un sommet, mais pour son graphisme splendide et la dose de plaisir qu’il procure, on ne regrette vraiment pas le détour.


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3 Messages

  • Unkle - Where Did the Night Fall 25 mai 2010 13:23, par Benjamin F

    J’en retiendrai pas grand chose pour ma part à part le titre avec Mark Lanegan.

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  • Unkle - Where Did the Night Fall 25 mai 2010 13:49, par paulo

    pas un mot sur War Stories en 2007 ?
    J’aimais bien moi, de très bons titres avec une bonne touche du coproducteur de Queen Of The Stone Ages.
    bon c’est resté en 2007, mais bon tout de même.
    la critique

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  • Unkle - Where Did the Night Fall 25 mai 2010 22:15, par Laurent

    Hé mais le lien vers "War Stories" était déjà dans la première phrase de l’article ! Il faut cliquer sur les liens, on y fait plein de chouettes découvertes (ou retrouvailles)... ;)

    Un album sympatoche bien sûr, avec lequel celui-ci partage de nombreux traits communs. Cela dit, je trouve que le son d’Unkle aujourd’hui avait déjà été défini dès leur deuxième album, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas cité le troisième. "End Titles" étant une parenthèse à part, j’avais trouvé utile d’en toucher un mot aussi. Mais c’est sûr que "War Stories" reste une étape marquante de leur discographie. Qui était donc en lien. ;)

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