mercredi 12 février 2014, par
Florent dans l’espace
Il y a cette injustice fondamentale qui veut que souvent les artistes acquièrent de la notoriété avec les œuvres qui nous plaisent le moins. Les exemples sont nombreux mais celui-ci est assez flagrant. Complétement ignoré au temps du formidable Rio Baril, Florent Marchet s’est rappelé au bon souvenir de tous avec un Courchevel certes fort bien mais qui n’avait pas la puissance ironique de Frère Animal ou le potentiel de malaise de ses chants de Noël.
Dix ans après Gargilesse, Florent Marchet nous a déjà fait voyager. Après les petits villages, l’entreprise et les stations de ski huppées, il met le cap sur… l’espace. Enfin, ne vous attendez pas non plus à une virée épique, à l’empire qui contre-attaque. Non, de façon plus logique, on est plutôt dans une dystopie, dans un devenir du monde qui nous force à bouger d’ici. Oui, il y a du Houellebecq là-dessous, même si ce n’est vraiment pas le même humour bougon. Et puis les appels à Rael sur Space Opera sont plus distanciés, sans doute vraiment ironiques. Ceci dit, les deux hommes ont été en contact, le chanteur cherchant la caution de l’écrivain. Entre nous, s’il se préparait un successeur à Présence Humaine impliquant Marchet, je signe à deux mains.
Mais revenons au présent. Ou plutôt pas, puisque si l’action se situe dans le futur, il y a clairement des allusions à une tradition française des années ’70, tendance très courue chez ses compatriotes musiciens comme Biolay, Delerm ou Arnaud Fleurant-Didier. Pourtant, ce Bambi Galaxy a beau se lancer occasionnellement dans des cordes ‘à la Vannier’ (le Souchonnien Où Etais-Tu ?), c’est loin d’être un album kitsch ni même retro-futuriste. Florent Marchet a beaucoup réfléchi à sa musique, ne se bornant pas à singer les recettes du passé pour donner des atours ‘mode’ à ses morceaux. On sent que depuis l’album précédent, il a acquis une solidité qui lui permet de tout faire passer. On retrouve ici aussi cette pop relevée sur Héliopolis et quelques moments d’ampleur véritable comme La Dernière Seconde ou Bambi Galaxy.
Cet album prend du temps à percoler parce que le thème n’est pas vraiment le voyage spatial en lui-même mais les raisons qui pourraient y amener. Ses angoisses habituelles sont toujours là (Reste Avec Moi comme mise en place dantesque). Le grand phantasme de l’espace, au fond, c’est de s’y perdre, de façon vertigineuse, comme dans Space Oddity ou Gravity, et c’est cette angoisse qui nourrit l’album, qui rend le parler d’Appolo 21 touchant même s’il l’identification est globalement moins facile pour cette histoire d’un futur, fut-il proche.
Florent Marchet a-t-il eu raison de se tourner vers l’espace ? Oui, mais c’est la mise en place qui est intéressante. On sait qu’il a plusieurs cordes à son arc, et qu’il suit ses envies, qu’il poursuit sans relâche de nouvelles formes de chanson française. Certes, le sujet n’est peut-être pas aussi émouvant que ceux qu’il a traité dans ses albums précédents mais sa discographie nous rappelle qu’il est un des grands talents de l’hexagone.
Un talent ne vaut rien s’il n’est pas utilisé. C’est peut-être ce qui pousse Garz à composer et écrire pour des spectacles, pièces de théâtre et autres documentaires. Ce sont ces morceaux, soigneusement triés qui constituent ce Sur Commande. Le résultat donne l’impression d’écouter un album varié plus qu’une compilation hétéroclite. Un excellent point, déjà.
Plus qu’un chanteur, Matthieu (…)
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