lundi 14 novembre 2016, par
Frère Animal, c’était un bouquin et un album qu’on avait déjà beaucoup aimé en 2008. La rencontre entre l’écrivain Arnaud Cathrine et Florent Marchet était en tous cas très atypique et leur plongée dans la France actuelle et le monde de l’entreprise était très fort. Puis c’est devenu un spectacle avec ces deux-là plus Valérie Leulliot (Autour de Lucie) et Nicolas Martel qui a aussi participé au légèrement dérangeant album de noël.
Ce petit monde est donc devenu un groupe et ils ont décidé de donner une suite aux aventures des personnages. Second tour donc, allusion aux élections proches puisque c’est dans la campagne électorale que cette histoire prend forme. Presque tout de suite parce que Vis Ma Vie est un étrange single placé en début d’album. Ce n’est pas étrange musicalement, il aurait très bien pu se trouver sur Courchevel, mais si le thème global est le même, il n’a pas d’attache avec le reste. A un tel point qu’une fois fini on passe au résumé de l’épisode précédent, lequel explique le premier volet.
On peut alors commencer, collant dès le début très fort aux personnages. Les affres du milieu carcéral, l’attente, les vies qui continuent ou sont suspendues, tout est évoqué par des dialogues écrits ou intérieurs. Ils maîtrisent le style oral en tous cas. Un Dernier est un des rares exemples de discussion chantée. Parce que s’il y a une vraie progression dramatique, ceci n’est pas une comédie musicale (on ne vous en aurait sans doute pas parlé…). Difficile de classer cette œuvre d’ailleurs, mais c’est secondaire. Parce que le propos et la forme priment.
‘Social’ est vu comme un gros mot de nos jours, et peu nombreux sont les chanteurs qui dénoncent dans la chanson française. La situation est évidemment différente dans le hip-hop mais peu de morceaux atteignent le rang d’hymne dans ce genre de toute façon. Il n’y a sans doute aucune protest-song à identifier ici, mais le contexte de la vraie vie est vivifiant. Certes, ils sont nombreux à relater leur quotidien middle-class mais peu évoquent les galères de boulot, la solitude rurale, et la montée de l’extrême-droite. De plus, la multiplicité des voix augmente l’empathie en multipliant les points de vue. On peut très bien ne pas se reconnaître dans ces personnages, ils n’en sont pas moins criants de vérité.
On peut dire aussi que sans avoir l’air d’y toucher, Florent Marchet se profile comme un auteur engagé dénué de prêchi-pêcha. Au lieu d’énoncer des principes, il décrit. Des situations réelles (Courchevel) ou carrément fantasmées (le trip spatial de Bambi Galaxy).
Pour que cet album soit réussi, il faut plusieurs ingrédients tous présents ici. On a déjà évoqué la belle proximité des personnages, leurs discours bien différenciés, il faut ajouter que la fin de l’album est tout simplement poignante. Si Tu Veux Savoir est sans doute le morceau qui s’écoutera le mieux sans le contexte de l’album mais il prend encore une autre dimension avec son contexte de désenchantement. Il en est de même pour Sans moi
Continuez sans moi/ce talent pour la vie/Je ne l’ai pas.
On note aussi deux invités de marque : Bernard Lavilliers qui prête sa belle voix chaude au père de Thibaut et Renaud, entre consternation et renoncement (Je te Dois Tout) et François Morel aux interventions journalistiques décapantes. C’est donc le deuxième ingrédient réussi, le second degré narquois et même jubilatoire. Ce sont ces discours extrêmes qui sont paradoxalement les moments de détente, entre frisson d’horreur et rire libérateur comme avait pu l’être Rock Around The Bunker de Gainsbourg. Nicolas Martel s’en donne à cœur joie sur Chanson Française et Florent Marchet prend du plaisir à la verve du Marché. Les Consignes se posant même comme un petit manuel de mauvaise foi populiste. Il ne faut pas réfléchir beaucoup pour voir d’où vient l’inspiration du Bloc National, sa rhétorique hypocrite (Campagne) et sa violence même pas larvée.
Dernier ingrédient, la musique qui se doit d’être impeccable pour ne pas faire de ce Second Tour juste une bonne intention, celle qui ne suffit pas à faire les bons albums. Parfois limitée au rang d’accompagnatrice inspirée (Lettre de l’Animal, Messages Personnels), elle peut monter (Opération Jerrican) et soutenir (Une Sortie)
Du poignant intime et une noirceur rigolarde pour la politique, c’est le cocktail détonnant de ce Frère Animal qui est un total ovni dans le paysage ronronnant de la chanson française. On manque décidément d’artistes à même de prendre notre réel à bras le corps. En plus d’être pertinent artistiquement, cet album est simplement salutaire.
Cette nouvelle sortie de Bitume productions ne fait pas dans la musique extrême, c’est à signaler au moment d’aborder cet étrange objet musical. On est plus dans les dingueries math-rock et prog, le genre qu’on avait entendu du côté de Chocolat Billy ou Joy as a Toy. Et pour assumer le genre, il faut du niveau, qui est là d’emblée et reste tout au long de ce court album sans scorie.
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