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Marie Davidson – City of Clouds

lundi 17 mars 2025, par marc


En général, les mailing-list d’artistes sont des outils d’information, une indispensable source pour les sorties et les tournées. Parfois on a un lien privilégié avec les pensées des artistes, certain.e.s se révélant brillant.e.s dans l’exercice. On songe à Emily Haines de Metric ou Marie Davidson. Entre blog introspectif et histoires éclairantes, ces messages plus ou moins réguliers permettent de lever un peu le voile sur le contexte créatif ou les contradictions avouées de l’artiste. Et puis on prend connaissance des préoccupations. Comme le choc qu’a constitué pour Marie la lecture de L’Âge du Capitalisme de surveillance de Shoshana Zuboff.

C’est cette œuvre qui constitue le socle de la réflexion dont est née cet album. Si des personnalités comme Miss Kittin ont ouvert la voie depuis des années, le genre s’est raffiné et les préoccupations de l’époque s’y sont greffées, remplaçant la distanciation berlinoise des débuts. L’empreinte de l’electroclash est bien patente mais au travers d’un prisme bien actuel. Si le propos est volontiers cérébral, la musique et le ton général ne le sont pas du tout.

Impossible de ne pas penser à Love On The Beat pour les feulements de Demolition. Mais ce n’est pas le salace Gainsbourg ici, le sens est bien plus figuré, on y entend ‘I want your data baby’. L’EBM se prête bien à ces considérations. Pas de ‘move your body on the dancefloor ici’ décérébré ici, même s’il y a de solides morceaux sudoripares.

Sexy Clown est de ces moments-là, tout comme la trance robotique de Fun Times qui en devient épique. Robotique aussi le temps d’un Push Me Fuckhead assez décapant. Notons d’ailleurs que sa voix n’est jamais désincarnée. On connaissait sa mélancolie narquoise depuis Work It et on la retrouve souvent ici, parfois même en français (elle est résolument bilingue visiblement). Et puis il y a ce morceau qui nous accompagne depuis de longs mois, ce terrifiant Contrarian aux plusieurs visages plus implacables les uns que les autres et très teinté de sons acid. On en sort un peu essorés et on pense qu’Unknowing va nous offrir ce répit. C’est un peu vrai mais pas complétement non plus, la seconde partie un brin industrielle poussant quand même bien fort.

La présence de l’éternel complice (et mari, aussi) Pierre Guerineau (Essaie Pas, L’Oeil Nu) est attendue. Celle des frères Dewael l’est moins. C’est pourtant sur leur label DEEWEE qu’ils hébergent cet album. Et ils se fendent d’un de leurs fameux remixes pour Y.A.A.M. On reconnait leur son qu’ils n’ont pas eu besoin de muscler outre mesure et ils restent étonnamment compacts dans cet exercice. Et puis ils s’étaient déjà attaqués à un morceau comme Work It.

L’intelligence suinte mais n’est jamais mise en avant. Il en résulte son album le plus fluide et le plus ambitieux à la fois. Le fond engagé et très en prise avec son époque et le son qui claque constituent un mélange détonnant et étonnamment limpide.

    Article Ecrit par marc

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