Accueil > Critiques > 2022

Regina Spektor – Home, Before and After

vendredi 19 août 2022, par marc


Il est parfois un peu dépréciatif de parler d’album de la maturité en matière de rock. On cache en effet sous ce terme le remplacement de l’énergie et de l’excitation des débuts par une forme plus fouillée et plus policée qui parle plus à l’esprit qu’au corps. Mais Régina Spektor ne fait pas exactement du rock et on notait sur tous ses albums des moments plus expérimentaux qui étaient un rien rudes pour nos petits nerfs, comme si elle devait montrer que tout ça n’était pas si sérieux. C’était à la marge, vraiment, mais l’absence de ces scories fait aussi beaucoup plaisir.

Surtout que les qualités sont toujours là. A commencer par une écriture limpide mais touchant parfois à l’étrange. Sur le la belle entrée en matière de Becoming All Alone, elle va boire une bière avec Dieu. One Man’s Prayer commence comme une demande légitime d’un mec qui dévie progressivement. Un hymne pop anti-masculiniste ? C’est un peu ça et dans la forme, c’est brillant aussi.

Peut-être que la présence de John Congleton (impossible de lister ici toutes ses collaborations, il y a wikipedia pour ça) resserre le propos, proposant des formes plus compactes, voire presque synthétiques (Up the Mountain). Mais il reste tout de même beaucoup de place pour sa voix et ses mélodies (fort belle sur Through a Door par exemple) et de vraies envolées (Coin). Alors oui c’est parfois limite mais c’est à cette limite-là qu’elle donne le meilleur comme sur l’épique Spacetime Fairytale. Elle qui avait appelé un de ses meilleurs albums Soviet Kitsch arrive à rester en permanence du bon côté de cette mouvante limite tout en gardant au beau Raindrops, son air de comédie musicale.

Les fans les plus avertis (dont nous sommes pas) regretteront sans doute les versions live au piano qui existaient de morceaux comme Loveology ou Raindrops depuis bien des années mais l’amateur de base se félicitera de voir ces chansons consignées sur un impeccable album. Les listes de What Might’ve Been rappelle Laughing With, parce que les références de Régina sont souvent circulaires. Et ce huitième album ample et dénué de scories confirme tout son talent.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • HEALTH - RAT WARS

    Même après des années passées à autre chose (des musiques de film, des versions disco), la puissance de feu d’HEALTH a laissé une trace manifeste. Mais il a fallu un rabatteur de qualité pour qu’on ne passe pas à côté de cet album. Le souvenir bien qu’ancien était toujours cuisant et on retrouve le trio avec un plaisir certain.
    Ils ont collaboré avec Nine Inch Nails ou Xiu Xiu et ces cousinages semblent (...)

  • Beirut – Hadsel

    Bien honnêtement, quand on a découvert Beirut en 2006, on ne se doutait pas qu’on allait suivre le jeune Zach Condon pendant plus de 17 ans. Cette musique fortement influencée par les fanfares balkaniques a suscité d’emblée l’intérêt mais le procédé semblait trop étriqué pour s’inscrire dans la longueur. On avait tort, forcément, et ceci en est un nouveau rappel.
    En première écoute, ce Hadsel est plutôt en (...)

  • Animal Collective – Isn’t It Now ?

    A une époque où la modernité n’est plus une vertu cardinale, il peut être étonnant de retrouver cette conjonction de talents (Avey Tare, Panda Bear, Deakin et Geologist) aussi en forme après près d’un quart de siècle d’existence. Avec Time Skiffs, on pouvait clairement parler d’une nouvelle période pour le groupe, un revirement vers plus de musique ‘figurative’ par opposition aux brillants collages (...)

  • Caleb Nichols - Let’s Look Back

    L’artiste qui aura fait le plus parler de lui en 16 mois est un prix qui ne rapporte rien sinon des critiques multiples et sans doute un peu de confusion de la part d’un lectorat débordé. Bref, après avoir pris congé de Soft People, l’actif Caleb nous a donné un album un opéra rock Beatles queer puis deux EP qui mélangeaient chansons et poèmes autour du personnage semi-autobiographique de Chantal. Sa (...)