Accueil > Critiques > 2010

Jónsi - Go

jeudi 8 avril 2010, par Marc

Euphorie chez les Lemmings


Jonsi est Jonsi Birgisson, que vous connaissez sans doute mieux en tant que chanteur-guitariste de Sigur Ros. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il avait déjà sorti avec son copain un album instrumental en 2009. Ce que je savais, c’est qu’un album était en préparation pour ce printemps. Ce que vous devez savoir, c’est qu’il est bon.

Pour ceux qui ont écouté le dernier album du combo post-rock islandais, il y a une franche logique dans l’orientation de celui-ci. Parce que Með suð í eyrum við spilum endalaust (oui, les titres sont souvent gratinés chez eux) montrait une volonté de capturer leur intensité émotionnelle dans des morceaux plus courts et pop qu’on retrouve encore un peu plus poussée ici.

Le single Go On est bien là en première position, donc l’effet de surprise sera minimal. La plus réjouissant, c’est que jamais il ne baisse la garde, et chaque morceau semble plus enlevé que le précédent. Animal Arithmetic est ainsi emballé à fond les manettes, avec des percussions en pagaille. Lesquelles tiennent une bonne partie de l’album, en nous proposant à l’occasion une explosion euphorique (Boy Lilikoi).

Mais cette bonne humeur n’est pas la seule composante de ce Go. Parce qu’au détour du très beau et ample Grow Till Tall ou de l’élégiaque Tornado on retrouve sa veine plus apaisée, plus romantique que brouillardeuse. Donc deux types de morceaux, les purement pop et les plus atmosphériques, voire les deux (Kolnidur). Les pop gardent une certaine mélancolie à laquelle la voix de Jonsi ne permet pas d’échapper mais les titres plus lents ne sont jamais plombants non plus, et ils nécessitent moins d’immersion que les albums de Sigur Ros. Ce fragile équilibre, renforcé par un ordre de morceau étudié, en fait un album multicolore, du gris au plus flashy

La voix de tête n’est pas ce qui me passionne le plus en général mais son timbre est immédiatement identifiable et attachant. Je procède assez rarement par évocations, mais c’est à un petit rongeur perdu sur la banquise qui me vient en tête quand j’entends la voix de Jonsi. Pourtant, il se dégage une humanité indéniable de ce cri primal feutré. Ma petite réserve (je m’en garde au moins une par critique) vient du côté moins organique de l’instrumentation, qui lisse un peu. Mais encore une fois, c’est mon (douteux et par essence discutable) goût personnel qui s’exprime.

La mélancolie nordique est-elle soluble dans la pop ? Bien des artistes Danois ou Suédois nous en avaient fourni la preuve. Cette confirmation islandaise est euphorique à souhait, mais n’a pas tourné le dos à une ambiance qui a tellement touché. Les fans absolus de Sigur Ros portés sur la langueur de leur post-rock pourront se sentir un peu abandonnés, mais les esprits plus neutres seront ravis de ce nouvel équilibre entre euphorie et apaisement, par un des talents les plus attachants qui soient.

    Article Ecrit par Marc

Répondre à cet article

7 Messages

  • Jónsi - Go 8 avril 2010 18:17, par Erwan
    • Jónsi - Go 8 avril 2010 19:44, par Laurent

      Pour ma part j’ai globalement préféré "Riceboy Sleeps" au présent virage... euh... pop ? Cela dit, Tornado joue déjà méchamment des coudes pour figurer parmi mes chansons préférées de l’année.

      repondre message

  • Jónsi - Go 9 avril 2010 09:58, par Marie

    Très joli album ! J’aimais aussi Riceboy Sleeps dans un genre très différent, mais plus proche de l’esprit de son groupe.

    Alors Go, avis d’une fan de Sigur Rós surtout époque AB et ( ) : peu de choses à jeter (je n’aime pas Animal Arithmetic), très peu de chansons "joyeuses" finalement, et le naturel qui revient au galop sur les perles de l’album comme Kolnidur, Tornado, Grow Till Tall... Et ceci est d’autant plus vrai quand on écoute les 5 ou 6 chansons inédites qui ne seront jouées qu’en live, elles sont aussi belles et très sombres ! (écoutables avec un peu de recherches sur le net, des enregistrements live dispo au fur et à mesure de la tournée déjà commencée).

    J’aimerais beaucoup un retour aux sources pour le prochain Sigur Rós, mais le buz autour du show solo et de la pop du garçon me font craindre que les choses ne seront plus jamais comme avant. Et la magie avait déjà disparu du dernier album en voulant sonner un peu plus "pop"...

    repondre message

    • Jónsi - Go 9 avril 2010 12:50, par Marc

      @Erwan,

      Ca veut dire non en fait, hein ? C’est ça ? J’ai compris ? Dis ?

      @Laurent

      De fait, ce Tornado est décoiffant (humour de presque week-end)

      @Marie

      Merci pour ta contribution, c’est intéressant d’avoir un avis de fan. C’est certain que si on préfère ce qu’a fait Sigur Ros avant le dernier album, il y a de quoi craindre. Mais je pense que le fait qu’il utilise un projet solo pour épancher ses côtés plus pop (pas nécessairement joyeux, on est plus proche de l’IDM que de Mika) pourra lui permettre de séparer ses deux envies. On verra.

      @tous

      Bon week-end dites

      repondre message

  • Jónsi - Go 10 avril 2010 01:32, par Benjamin F

    Habituellement peu friand des incartades solo, je dois bien avouer que ce disque est de très bonne facture :)

    repondre message

  • La critique du concert de Jonsi du 21/11/2010 au Cirque Royal à lire ici :

    http://gigs.skynetblogs.be/archive/2010/11/22/critique-concert-jonsi-21-11-2010.html

    Voir en ligne : Critique du concert de Jonsi

    repondre message

  • Bärlin - State of Fear

    Cet imposant album d’un trio lillois nous semble familier sans que ce ne soit exactement identique à quoi que ce soit. Si on tente de retrouver son chemin, on est très vite tentés de s’y perdre pour mieux s’y fondre. Le chant très expressif dès Deer Flight, un peu comme si Patrick Wolf s’était mis au post-punk poisseux et éructait (aboyait même sur Revenge). On y secoue lentement la tête pendant que la (...)

  • you.Guru - UNtouchable

    Si on ne reçoit qu’avec parcimonie des nouvelles musicales de Pologne, force est de constater que celles qui nous parviennent sont toujours au minimum dignes d’intérêt (The Bullseyes, Izzy and the Black Trees) et on ajoute You.Guru a la liste.
    Ce que propose le trio n’est vraiment du post-rock, mais un rock instrumental enlevé, pulsé. Un genre de math-rock qui serait allé se promener ou du Holy Fuck (...)

  • Spelterini - Paréidolie

    Cet album du quatuor (dont deux membres de Chausse Trappe et de Papier Tigre) nommé d’après une funambule italienne est en fait un log morceau de 33 minutes. Cette lenteur, cette longueur sont le morceau. Il faut savoir se laisser happer, garder un peu de concentration pour que ça percole comme il faut. On entendra un long son qui monte pendant plusieurs minutes avant qu’une grosse caisse ne (...)

  • L&S - When the Vowels Fall

    Anthony Laguerre et G.W. Sok sont parmi les artistes qu’on rencontre le plus en nos colonnes, ensemble (chez Filiamotsa ou Club Cactus) ou séparément, en tant qu’artiste solo, chez Piles, chez pour l’un, en tant qu’intervenant chez Oiseaux-Tempête, Unik Ubik, Baby Fire ou Coddiwomple pour l’autre. Cette fois, le batteur créatif et le vocaliste inspiré ont décidé de faire les choses ensemble du début à (...)

  • H-Burns - Sunset Park

    La découverte d’un artiste qui nous plait s’accompagne toujours d’un sentiment de plaisir souvent teinté d’une pointe de mélancolie. Combien y en a-t-il d’autres, de pépites cachées ? On ne pourra pas répondre de façon définitive bien évidemment, on va se contenter de partager le coin à champignons qui d’ailleurs a été débusqué comme souvent par Laurent. Il aura fallu seize ans de carrière tout de même pour (...)

  • Modus Pitch - Polyism

    Quand on découvre un artiste, il est bon d’avoir quelques références. Ici, des collaborations avec Get Well Soon ou Modeselektor, une participation au formidable projet White Wine de Joe Haege et surtout la présence de P.A Hülsenbeck (remarquable artiste en solo ou avec Jüngstotter) viennent à la fois rassurer et attiser l’attente.
    Avec un pied définitivement dans le jazz (cinématique Drive) et (...)

  • Bazooka - Κάπου Αλλού (Kapou Allou)

    Non, la source d’artistes grecs ne s’est pas tarie, elle a même l’air de reprendre. On l’avoue, l’envie de s’enquiller un album en Grec n’est pas la proposition la plus sexy sur le papier. Si vous avez ce genre de réticence, sachez que vous pouvez l’oublier, elle disparaitra sans doute après quelques secondes.
    Bazooka pratique donc sa langue, mais pour être complètement honnêtes, c’est carrément (...)

  • Equipe de Foot - Géranium

    Quinze ans après Myspace, la tradition du nom de groupe étrange survit. Mais ce n’est pas le seul anachronisme ici. Le style pratiqué nous renvoie en effet plein d’années en arrière, au temps des nineties. Mais si beaucoup des formations qui font revivre ce temps-là penchent du côté alternatif de la force (The Poison Arrows, Beingmoved, Daydream Three), le duo bordelais privilégie une musique plus pop (...)