Accueil > Critiques > 2017

Pierre Lapointe - La Science du Coeur

mercredi 20 décembre 2017, par Marc


Impossible de savoir comment on a pu perdre Pierre Lapointe de vue. On ne peut pas dire que La Forêt Des Mal-aimés nous ait laissé un souvenir tiède pourtant on n’a pas su le suivre sur les pourtant formidables Les Sentiments Humains ou Punkt (il est vrai pas distribués et vendus facilement en nos contrées). Il aura fallu quelques live enregistrés, des prestations live seul au piano et impeccables pour raccrocher le train. Très populaire au Canada, notamment parce qu’il est un inamovible coach de La Voix (on ne dit pas ‘The Voice’ dans ce genre de contrée), il reste mystérieusement sous-estimé de ce côté-ci de l’Atlantique. Cet album s’est classé premier dans les ventes canadiennes alors qu’il atteignait ici une bien maigre 189ème place…

On l’a dit, il a beaucoup tourné seul au piano depuis sa dernière livraison studio et si on devine que cet instrument reste l’outil de composition, il y a beaucoup de cordes, tout plein et partout, à des usages bien différents. Sur le premier morceau qu’il n’est pas exagéré de considérer comme sublime, elles tiennent seules les avant-postes, avec cet art typiquement canadien (l’arrangeur David François Moreau est pourtant français) de ne prendre que des cordes et presque rien d’autre. Cette longue progression prend littéralement à la gorge dès la première écoute et confirme dans toutes les suivantes.

Par ailleurs, ces atours peuvent être classiques au point même d’en devenir vieillots. Le Retour D’un Amour est un peu plus plaintif, Comme Un Soleil ou Une Lettre semblent un rien surannés, à la lisière de la comédie musicale (non, ce n’est jamais un compliment en nos colonnes). Mais ces moments-là restent de toute façon bien minoritaires et on y décèle toujours une de ses énormes forces, un sens mélodique jamais pris en défaut. Mais on se dit qu’on lui préfère parfois la sobriété qui sublime ses prestations live et permet à ses textes justes et sensibles de se révéler. A l’opposé, on sait que ces mélodies-là et ses paroles fortes peuvent aussi lui permettre plus d’audace formelle, ce qu’il avait tenté et réussi sur ses deux albums précédents.

Les cordes donc sont encore bien présentes et se font discoïdes sur Alphabet qui fort heureusement n’y ajoute qu’une pulsation. Non, ce n’est pas un morceau pour dancefloor en l’état, ce long name-dropping culturel apparaissant comme une curiosité maitrisée. Mais outre le premier morceau, il reste de bien belles choses sur ce court album. Qu’il Est Honteux d’Etre Humain enfonce le clou avant que Sais-Tu Vraiment Qui Tu Es ? ne vienne bien clôturer un brillant trio de début d’album. On apprécie aussi le piano intense de Naoshima et Zopiclone qui rappellera des choses aux consommateurs d’Imovane.

Il faut beaucoup de talent pour marquer dans un style aussi balisé que la chanson française ‘classique’. Si on a connu et apprécié un Pierre Lapointe plus aventureux, cet album cohérent et un rien inégal nous fait plaisir parce qu’il nous apporte de nouveaux morceaux à ajouter à ce qu’on préfère dans notre langue.

    Article Ecrit par Marc

Répondre à cet article

  • Muet – Electrochoc (EP)

    On avait déjà confessé un goût prononcé pour ceux qui abordent la chanson française avec des envies résolument indé. Dans ce contingent, Volin nous avait beaucoup plu et on retrouve son leader Colin Vincent avec plaisir sur ce nouveau projet. Si on retrouve la même propension à garder des textes en français sur des musiques plus aventureuses, le style a un peu changé.
    Accompagné de Maxime Rouayroux, (...)

  • MHUD - Post Parade

    Il arrive qu’on voie débouler un artiste sans rien savoir de lui. C’est un peu ce qui s’est passé avec ce premier album de Matthieu Hubrecht dont on sait toujours peu en fait. Sa musique aussi arrive un peu masquée. On pense d’abord avoir affaire à une chanson française aux sonorités années ’80 mais on remarque vite que c’est plus pointu que ça
    L’instant Fragile est dans cette veine eighties, avec une (...)

  • Miossec - Simplifier

    Les retours d’albums de Miossec nous forcent toujours à nous regarder nous-mêmes. Il y a en effet tant de sincérité chez lui et une constante envie de faire le point qu’on a toujours été poussés à faire de même. On a changé depuis qu’on l’a découvert, on est moins jeunes, moins marrants, plus posés et il y a belle lurette qu’on ne beugle plus ses chansons aux petites heures.
    Au niveau des marottes, rien n’a (...)

  • Samuele - Une Paillette dans l’engrenage

    Il me faut commencer par une confession : j’ai un peu de mal avec les accents québécois trop typés ou le créole en chanson (seulement en chanson, je précise...). C’est comme ça donc cette écoute commençait par un petit handicap. Alors on se lance, histoire de voir si on arrive au bout d’une écoute. Et ça marche, alors on recommence, encore et encore.
    Pourquoi ? Parce que le ton pop est parfaitement (...)

  • Metric – Fromentera

    Il est troublant de noter le retour de Metric quelques semaines après celui de Stars. On associe mentalement les deux groupes de Toronto parce qu’ils sont contemporains, que les chanteuses ont toutes deux participé à des albums de Broken Social Scene et surtout parce qu’ils ne nous ont jamais vraiment déçus.
    On sait tout de suite qu’on ne le sera pas cette fois-ci non plus grâce à Doomscroller. Leur (...)

  • Spencer Krug - Twenty Twenty Twenty Twenty One

    Même s’il y a eu quelques années fastes, même Jean-Louis Murat ne se montre pas aussi productif que Spender Krug. Lui qu’on a croisé avec Wolf Parade, Sunset Rubdown, Swan Lake et Moonface avec ou sans Siinai officie depuis l’an passé aussi sous son propre nom. Fading Graffiti n’avait pas laissé un souvenir impérissable. Mais connaissant le bonhomme, on savait qu’il ne faudrait pas attendre longtemps (...)

  • Stars – From Capelton Hill

    On a toujours eu besoin de Stars. Que ce soit conscient ou non. Ce n’est pas un appel impérieux, non, mais chaque livraison nous fait replonger. Issus de la grande vague canadienne du début du millénaire, ils s’en distinguaient un peu en tempérant l’indie héroïque du temps par une pop rêveuse mais toujours directe.
    C’est quand ils chantent tous les deux qu’on a leurs moments les plus caractéristiques. (...)

  • Arcade Fire - WE

    On ne va pas refaire inlassablement le match mais il faut quand même rappeler que la suite des trois premiers albums qui se sont imposés comme des classiques a vu le super-groupe de Montréal produire un album copieux et inégal qui comportait ses fulgurances puis un exercice plus cohérent mais qui restera comme un point noir de leur discographie. Peu de morceaux surnagent d’Everything Now et la (...)