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Pas Chic Chic - Au Contraire

mercredi 15 octobre 2008, par marc

Très chic chic


Ce n’est pas la première fois qu’on parle d’artistes de la belle province francophones. Et j’avais apprécié Malajube et Pierre Lapointe. Il y a du talent par là-bas quand on veut sortir du cliché de la chanteuse hurleuse et de la couleur locale. Alors, quand on annonce que des membres de Godspeed You ! Black Emperor (un des meilleurs groupes du côté-ci de la stratosphère), Fly Pan Am ou encore Set Fire To Flames pour un exercice en roue libre, mon attention est captée. Revenons d’ailleurs à Malajube. Ils proposaient une relecture du glam assez festive et intéressante. Qu’ils s’expriment en français n’était finalement qu’un détail et on retrouve ici cette même absence de complexes.

On ne le répétera jamais assez, les Québécois ont une approche décomplexée de notre langue. Ce qui leur laisse aussi une plus grande marge de manœuvre d’un point de vue strictement musical. De plus, ils n’hésitent pas à ne pas mettre la voix en avant. Ce n’est donc qu’occasionnellement intelligible mais l’accent n’est jamais un frein et puis cette musique-là n’a pas beaucoup besoin de raconter de choses pour être intéressante. Il en résulte une belle ampleur. Quand on voit Cali tenter de ‘sonner Arcade Fire’ on peut en déduire qu’en s’attaquant à la forme, on se fourvoie, ou du moins le résultat est un peu risible face à l’ambition de départ. Par contre, alors qu’ils se réclament d’une certaine tradition européenne, ils sonnent très proches de la grandeur des cibles, même dans une petite sucrerie sixties avec mélodie et tout et tout comme Mille Mille (les titres utilisent souvent l’allitération par ailleurs).

Ils réclament une influence de la pop française des années ’60. Pour moi, à part quelques purs auteurs, c’est surtout une vague yéyé et des traductions de hits anglophones à foison. Donc rien de bien passionnant. J’imagine que c’est plutôt du côté des de Jean-Claude Vannier, responsable de certains arrangements pour Gainsbourg ou, disons, un Polnareff qu’il faut regarder. Comme point de départ, pensez à ce qu’Arcade Fire a fait de Poupée de Cire, Poupée de son, qui sonnait pas vraiment comme celle de France Gall ni comme personne dans une des générations de « nouvelle chanson française », label appliqué à une bande d’artistes différents tous les 5 ans mais est un peu plus pompier, dommage collatéral fréquent de l’intensité. Le background pas vraiment pop des membres est sans doute une explication.

D’ailleurs, si la voix masculine systématiquement de tête a beau être à des lieues de celle de Win Butler, celle de la chanteuse n’est pas loin de Régine Chassagne (voire de Mimi de Sttellla pour ceux qui veulent de la référence plus rare ici et moins raffinée). Enfin, ils ne font pas vraiment la même chose, leur mur du son lorgnant plus du côté de Phil Spector. Ce n’est pourtant pas classique ni daté, puisqu’ils se permettent sur un Vous Comprenez Pourquoi un final très noisy soutenu par une rythmique qui emprunte au Krautrock. Aucun morceau en français n’a jamais fait ça à ma connaissance. C’est évidemment plus déconcertant quand ils se lancent dans un exercice plus lancinant à l’orgue (Brise Méprise). Mais on reconnaît sans peine la ‘patte’ Montréal.

Cet album n’est évidemment pas du calibre des groupes du pays que je chéris sur ce site mais le dépaysement vaut le coup d’oreille. C’est que sans avoir l’air d’y toucher, ce qui ressemble bien à un défouloir pour membres actifs ailleurs dégage une ampleur qu’on ne croise que rarement dans des morceaux qui parlent notre langue. C’est donc surtout l’esprit curieux qui trouvera son compte avec cet album finalement pas si facile à cerner. Voici donc un curieux objet, typique de cette terre de brassage qu’est le Canada qui apporte au passage une touche d’exotisme et quelques très bons morceaux.

http://www.myspace.com/paschicchic

    Article Ecrit par marc

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