lundi 27 octobre 2014, par
De l’art subtil du déplacement en territoire conquis
On a beau dire, on ne se débarrasse jamais complètement de son vécu, certaines périodes de vie se retrouvent souvent étroitement associées à certains décors sonores. Et on développe donc un syndrome d’intransigeance affective lorsqu’il s’agit de faire le tri au sein de ces vagues incessantes d’albums « Néo New Wave ».
Somme toute, la façon dont on les appréhende dépend de facteurs à la fois subtils et infinitésimaux... Si certaines formations arrivent à produire une forme d’hommage, de respect, si d’autres encore parviennent même à réactualiser le genre en y insufflant quelques pincées d’influences actuelles ... Beaucoup par contre se vautrent lamentablement dans le pastiche en associant de manière éhontée le désespoir hanté et pudique à d’insipides comédies Halloweenesques, transfigurant la tristesse existentielle en une pantalonnade pathétique.
Retour à la vraie vie : 2006, cinq jeunes Texans se targuent d’exhumer une partie de cette tranche d’histoire, tâche audacieuse, vu le risque non négligeable de sombrer dans le risible dès lors qu’on est conscient du fait qu’à force de tirer sur la même chaînette du bouchon de lavabo, elle se brise... Le risque était d’autant plus grand qu’on imagine sans peine le gouffre culturel qui sépare les cités ouvrières de l’ère thatcherienne de l’aridité quasi désertique contemporaine du Sud des États-Unis. Le fait est pourtant que le premier album d’I Love You but I’ve Chosen Darkness (Fear Is On Our Side) m’avait littéralement cloué sur place, redynamisant au fin fond de ce qui me restait de cortex de vieux démons depuis trente ans assoupis. The Sound, The Chameleons, Modern English, Echo and The Bunnymen refaisaient subitement surface à grands coups d’accords écumeux, flotte dépenaillée de Hollandais Volants surgissant brusquement d’un vieil océan de brumes...
Silence radio depuis... D’aucuns se mirent donc à penser que l’Armada fantôme avait fait à nouveau naufrage, disparaissant pour de bon, corps et âme. Huit ans, il aura fallu huit ans... C’est énorme...Avant que le quintet d’Austin ne redonne signe de vie, accouchant d’un Dust très (Trop ?) attendu, qu’on craignait déroutant, même si le design rassurant de la pochette s’inscrit dans une indiscutable continuation picturale.
Certes, sortir un album par décennie est une stratégie efficace, bien que peu rentable, mais qui a au moins le mérite d’éviter ce phénomène de lassitude si fréquemment ressenti face aux productions en rafale de certains stakhanovistes, il n’empêche, le résultat force l’admiration. Peu de reliefs à la première écoute, tout semble se dérouler au pas de charge... Avec malgré tout une petite surprise sous forme d’impression générale... On dirait bien qu’ils se sont permis quelques apports personnels, assez éloignés des sacro-saints stéréotypes Post Punk.
Certaines rondeurs yankees, plus présentes que sur l’opus précédent, semblent dorénavant polir et refaçonner ces angles ciselés à la machette par les gens de chez Factory ou Rough Trade... Il y a bien longtemps de cela. A part You’re Dead To Me qu’on dirait tout droit sorti d’un album de Colin Newman (Le maniérisme arrogant So British de la voix en moins), ou le timbre de la batterie de WAYSD et ses sonorités qu’on jurerait triturées par Martin Hannett en personne si celui-ci n’était pas déjà mort, le reste de l’album mêle avantageusement la rigueur des climats musicaux eighties européens à une certaine évanescence décontractée Yankee privilégiant les sonorités aériennes et les montées de puissance ainsi que certaines mélodies déambulant aux limites des terres Shoegaze, la dictature de la pédale disto en moins.
S’il s’agit donc bien d’une tentative de mitonnage à l’identique d’un antique menu Post Punk, Dust y incorpore à foison des condiments actuels... Et le fumet global en est à la fois subtil, intense et pleinement réjouissant... Bien que ce terme puisse paraître paradoxal si l’on considère l’époque à laquelle la musique du groupe est sensée se référer... Pour tout vieil ado qui se respecte, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une agréable balade en territoire conquis. Dommage toutefois qu’il y ait si peu de morceaux immédiatement accrocheurs (Faust et Come Undone sauveront-ils la mise à eux seuls ?) Ainsi qu’un amoncellement de refrains à la construction mélodique prévisible. Bien bel album en somme, mais qui s’essouffle un peu à force de vouloir justifier ces huit années d’attente...
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