Accueil > Critiques > 2017

Oiseaux-Tempête - AL​-​’AN !

mercredi 30 août 2017, par marc


La musique d’Oiseaux-Tempête, tout comme les cultures qui la sous-tendent, est affaire de strates. Et on en distingue beaucoup dans les deux cas. Certes, ils ne sont pas les premiers à apporter des éléments orientaux à leur musique, mais le résultat est finalement différent de ce qu’on a pu entendre chez Esmerine par exemple. Et c’est une bonne chose, la personnalité des deux formations en ressort grandie. Le duo français nous invite de nouveau en voyage, et on serait bien inspirés de répondre favorablement à l’invitation.

Ils aiment en tous cas installer des ambiances et prennent souvent leur temps pour ça. Ce voyage n’est pas un tourisme de masse qui va en autocar climatisé de site surpeuplé en site galvaudé. Il faudra donc prendre son temps pour Bab Sharqi. La tension s’installera plus tard sur Feu Aux Frontières. Il prendront aussi un pas lent, lourd, pour laisser percoler une guitare sur Baalshamin. Cela dit, certains morceaux plus atmosphériques peuvent se révéler moins captivants. Certes, il faut dégager de l’espace pour les éventuels climax, mais Our Mind is A Sponge, Our Heart is a Stream en semble trop dénué. Certains morceaux courts installent cependant une vraie tension (Electric Resistance).

Les morceaux sont plutôt courts mais on signale tout de même une pièce de 17 minutes. G.W. Sok, le chanteur hollandais qui avait déjà laissé un excellent souvenir sur l’album des français de Filiamotsa est de la partie et confirme qu’un contexte musical dense tendu et très ample lui convient très bien. On n’aurait pas deviné ça venant d’un chanteur de formation punk (The Ex). Ce morceau est fatalement long, avec des passages très apaisés et la plus grosse décharge d’adrénaline de l’album. Sok y déclame un texte de Mahmoud Darwish qui intervient lui-même sur The Offering.

Les vocaux sont une composante essentielle du mélange, qui jamais ne prend la forme ‘chanson’. On y croisera la voix lancinante de Tamer Abu Ghazaleh’s sur le morceau I Don’t Know, What or Why ou le chanteur libanais Fairuz qui reprend un hymne chrétien (Wa Habibi) sur l’electro distordue de Carnival.

La famille de la formation canadienne est celle de Godspeed. C’est sans doute en priorité aux amateurs de ce que produit le label Constellation qu’il conviendra de conseiller ce groupe même s’il s’agit bien plus d’une affaire d’affinités que de ressemblance. On note le même souci politique a priori paradoxal pour une formation essentiellement instrumentale, et un résultat assez monumental, ambitieux et traversé d’influences.

Après Utopiya ? qui avait été une belle découverte, on retrouve la même clarinette décharnée, composante parmi d’autres d’un tout assez cohérent. Le morceau bonus assez bourdonnant rallonge peut-être inutilement ce voyage déjà très riche. Parce que c’est bien une invitation au voyage que propose le duo français. Pas du tourisme, loin de là, mais une découverte de l’autre et de son contexte qui prend chair dans une musique riche, évocatrice et aussi très puissante.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Mogwai – The Bad Fire

    Si Mogwai est un des premiers noms qui vient à l’esprit quand on parle de post-rock, ils en ont abandonné bien des recettes il y a fort longtemps. C’est sans doute cette volonté d’évolution, certes mesurée mais constante qui leur permet ces 30 ans d’existence déjà et de nous gratifier d’un onzième album.
    Une constante, c’est leur amour du titre tordu, sans doute des private jokes opaques (…)

  • Explosions in the Sky – American Primeval (Soundtrack)

    Les groupes indés dont on parle ici ont parfois l’occasion d’arrondir leurs fins de mois en plaçant un morceau ou l’autre dans une œuvre audiovisuelle. Pour les groupes de post-rock, le potentiel est encore plus grand. Outre ceux qui placent un titre comme la très belle utilisation de East Hastings de Godspeed You ! Black Emperor - No Title as of 13 February 2024 28,340 Dead dans Under the (…)

  • Wyatt E - amāru ultu qereb ziqquratu Part 1

    Le style, les ambiances de Wyatt E. étaient déjà connues et on les retrouve toujours avec autant de plaisir. A la lisière de choses connues (post-rock, doom), ils ont toujours su ajouter une touche personnelle. Il existe des exemples de post-rock avec des ambiances proche-orientales. Citons Esmerine ou Oiseaux-Tempête mais ceci a une coloration différente. L’ambition est d’explorer l’ancienne (…)

  • Yoo Doo Right - From the Heights of Our Pastureland

    Il y aurait beaucoup à écrire sur les groupes dont les noms évoquent des morceaux d’autres artistes. Obligatoire pour les tribute-bands, cet hommage se retrouve souvent entre Radiohead, dEUS ou The Blank Agains ou Don Aman. Si le nom du groupe de Montréal nous a tout de suite évoqué un classique de Can, la musique n’est pas Kraut ici. Ou pas que.
    Même s’il ne convient pas de juger un livre (…)