vendredi 5 juin 2020, par
William Empson avait établi que la poésie provenait de l’ambiguïté (il en avait d’ailleurs compté sept origines). C’est ce qui sous-tend le génial Seven Types of Ambiguity d’Eliott Perlman et pourrait aussi servir de support pour le second album en français de Stéphane Milochevitch. Tout est dans le ton. Tout est dans le détail. Mais c’est la vision d’ensemble qui importe. Oui, il y a énormément d’allusions, de noms et d’œuvres mais c’est l’impression de patchwork et de collection d’images qui s’en dégage qui est frappante. Ni opaque (comme Jean-Louis Murat) ni soutenu par ses références ou de l’évocation (comme Vincent Delerm par exemple), il trace la route d’une poésie qui est suffisamment claire pour supporter le premier degré tout en offrant un plaisir de découverte ultérieure. Merle Haggard est au besoin un chanteur country ou un totem étrange. Enfin, on sait que c’est le premier mais la confusion participe du plaisir.
Cet album devait sortir fin mars, on a donc pu passer près de 5 mois avec lui depuis qu’on nous l’a présenté. Et il fait indéniablement partie de ceux qui tiennent le choc du temps et des répétitions. Parce qu’il se veut direct mais sans effet appuyé, il contient suffisamment de trésors peu cachés, d’allusions à découvrir et offre une distance idéale entre accessibilité et la petite dose de mystère qui prolonge le plaisir encore et encore
On ne va pas tourner autour du pot, cet album de Thousand est tout sauf flashy, ne fait pas de signes ostentatoires en votre direction pour réclamer votre attention. Mais si vous allez vers lui, il saura vous accueillir.
Notons que trois morceaux sont arrangées par l’impeccable Bryce Dessner (The National, Clogs…) et son travail est discret mais efficace. On note moins de chœurs que sur Le Tunnel Végétal qui nous l’avait révélé, mais cette forme simple mais pas frustre comprend notamment des lignes de guitare électrique qui renvoient directement à Dire Straits.
C’est surtout quand le ton monte que la combinaison fonctionne le mieux. On avait déjà constaté ça sur le premier album et ça se confirme sur la plage titulaire. On lui pardonne même l’affreux autotune du choeur de Jeune Femme à l’Ibis (pas l’hôtel, une oeuvre de Degas). C’est un beau roman, c’est une belle histoire, c’est une romance d’aujourd’hui, mais aujourd’hui c’est 2020 et malgré un air de Bashung indéniable, c’est une chanson forte et personnelle, dégageant une langueur incomparable.
Le ton faussement lassé est surtout diablement efficace pour assurer une cohérence de ton et surtout frapper fort sans en avoir l’air. Ce n’est pas galvanisant certes, mais ça colle à la mémoire comme jamais. Non seulement ça permet de donner plus de relief à des surgissements, mais il en tire une façon bien personnelle d’être engagé sur Aux Enfants de Saturne ou de placer plusieurs référence à l’antisémitisme.
Si quelques ressemblances sont inévitables, Stéphane Milochevitch confirme une belle personnalité et un ton qui n’appartient qu’à lui. Parce que parmi les découvertes les plus enthousiasmante de ces dernières années en France, il a eu Thousand. Un ton singulier qu’il cultive encore ici pour une nouvelle réussite qui érige l’ambiguïté en vertu cardinale.
Après Auren qu’on avait découverte grâce à une collaboration avec Jeanne Cherhal, voici une autre inconnue de nos services qui vient nous rappeler à quel point les découvertes francophones sont un puits sans fond connu. Dans le sillage d’une Daphné, cet album court en partie articulé autour de la personnalité de Collette nous présente Buridane.
Sa forme est facile et relativement classique mais sans (...)
A l’instar d’un Centredumonde, Garz nous avait confirmé que la chanson française se découvre aussi entre les lignes. On avait beaucoup aimé Barré sorti l’an passé (voici une occasion de le rattraper d’ailleurs) donc on s’intéresse forcément à ce qui a précédé. L’album du jour est une compilation de morceaux plus anciens et réinterprétés à l’occasion d’une ’Casio Session’ pour le label La Souterraine. Comme son (...)
Il faut l’avouer, comme on a écouté énormément de choses, on a développé l’aptitude de décider vite si on a envie de découvrir un.e artiste. Si on a un doute, on réessaie toujours, promis. Le début de Jeter Un Sort nous laissait très perplexe, on s’apprêtait à lâcher l’affaire quand le morceau a pris la tangente et s’est fait enthousiasmant. Bref, Ferielle est jouette et on a eu envie d’en savoir plus. Et d’en (...)
La paire Un Homme/L’Un De Nous d’Albin de la Simone fait partie de ces rares hoses à pouvoir être suspectés de perfection. On les a écoutés sans les user tant ils sont bâtis pour défier le temps. Leur successeur est donc attendu avec un peu d’appréhension. Mais pas trop, on le connait suffisamment.
Lui qui était aux commandes de ses albums et de pas mal d’autres (Miossec, Pomme, Vanessa Paradis, Alain (...)