Accueil > Critiques > 2008

Fleet Foxes - Fleet Foxes

vendredi 13 juin 2008, par marc

Pourquoi le soleil ne viendrait-il pas de Seattle ?


Honnêtement, il n’est pas certain que parmi les groupes pas connus que j’avais eu l’occasion de voir à Seattle c’est chez Fleet Foxes que le plus gros potentiel était prévisible. Aperçus en première partie de Malajube et d’un Snowden souverain, ils avaient laissé une bonne impression, mais semblaient un peu manquer d’habitude de la scène. Et si leurs compositions étaient prometteuses, elles n’avaient pas la grâce de ce qui est proposé ici.

C’est maintenant officiel, Sub Pop s’est replacé tout en haut des labels indépendants, en misant sur d’excellents groupes plutôt orientés vers une pop précieuse (The Shins, Fleet Foxes donc) ou un rock moderne de première bourre (Wolf Parade). Oubliée et dépassée la déprime qui a suivi années grunge donc.

Comme ils ont été lancés par un premier Ep (dont le meilleur morceau, Mykonos manque ici étrangement à l’appel) qui avait déjà beaucoup fait parler de lui, on espérait un album dans la lignée et on a exactement ça. Il ne s’est pas trop écoulé de temps depuis et le public potentiel n’a aucune des raisons habituelles de ronchonner, un des hobbies préférés des faiseurs de buzz étant de dire que c’était mieux avant le premier album (on entend ça au moins dix fois par an). En bref, pour ceux qui avaient aimé la première fournée, précipitez-vous sans arrière-pensée. Vous aurez le même moment d’apesanteur, délivré du poids du monde. Intense comme toutes les bonnes choses mais pas exagérément, parce que c’est un album qui s’écoute facilement.

Le genre a déjà de nombreux membres. La tradition remonte d’ailleurs à Cosby, Stills Nash & Young (et pas les Beach Boys qui reviennent comme un refrain comme référence chez nombre de groupes actuels aventureux) et on retrouve de ce folk-rock léger et inspiré chez My Morning Jacket ou Band Of Horses, voire Midlake ou Wilco ou encore le génial Deserter’s Songs de Mercury Rev. Ils ont en outre le bon goût de ne jamais tomber dans les dérives sirupeuses qui plombent plusieurs membres de la liste. Evidemment, ça pourra paraître un peu solennel et recueilli d’abord avec le Sun It Rises qui lance les hostilités, et parfois même les chœurs ne sont qu’un instrument parmi d’autres (Heard Them Stirring). Personnellement, je trouve ça meilleur quand ça repose plus sur une véritable chanson (Meadowlark, Blue Ridge Mountains) que sur une ambiance comme trop de morceaux du milieu d’album.

Il serait illusoire de prétendre que prises individuellement, toutes les réalisations sont légendaires, mais aucune n’est faiblarde. On ne sent pas le procédé qui marche ou pas. Il y a cette volonté des premiers albums, cette envie de montrer son style. Pour ceux qui voient la musique comme une agression permanente ou qui considèrent les voix aériennes comme une abomination, il y a de quoi s’user les nefs, mais il n’y a chez Fleet Foxes aucun goût pour la mollesse. Même pas pour la lenteur. Evidemment, le ton est un peu le même du début à la fin et si on aime une chanson, il est probable qu’on les accueille dans leur entièreté. Et on sera récompensés par quelques moments à couper le souffle. White Winter Hymnal est tout simplement lumineux, évident, séduisant. Quand on entend un morceau pareil, on sait que l’album qui commence sera bon. Drôle d’époque quand même où un canon avec une guitare acoustique peut sembler parfaitement moderne. Cet hymne hivernal va sans doute devenir un de ceux de mon été. Bien évidemment, Neil Young a commis des titres du calibre de Your Protector par paquets, mais c’est ici moins purement folk ou rock (les deux pôles du maitre) pour ne pas simplement s’ajouter à la liste des réussites du genre. Il y a tout pour laisser une trace. Une très belle mélodie, un ton juste, une émotion pas ramenarde qui touche. Surs d’eux et de leurs effets, ils n’éprouvent pas le besoin d’en remettre des tonnes. Evidemment, c’est à coups de louches de réverb’ que le moindre morceau de ce premier album prend de l’ampleur

Des groupes à la lisière du folk avec chœurs ensoleillés, on s’en mange presque un par semaine ces derniers temps. Pourquoi prêter une oreille à Fleet Foxes après, disons, Yeasayer ou les Ruby Suns ? Parce qu’on a ici une écriture plus resserrée, et la personnalité de ce groupe éclabousse partout de ce premier album. Seattle n’est pas la ville la plus favorisée par l’astre du jour, loin s’en faut, mais ses apparitions sporadiques ont marqué ce nouveau tout bon groupe du Northwest.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

8 Messages

  • Fleet Foxes - Fleet Foxes 13 juin 2008 16:06, par Tibo

    Bon article Marc ! Ce groupe est formidable, autant en concert que sur disque (comme l’ont compris les chanceux qui étaient au Bota il y a peu)...

    repondre message

  • Fleet Foxes - Fleet Foxes 29 juillet 2008 20:16, par Patrick MOALIC

    Le Meilleur LP depuis très longtemps.
    Doit-on (déjà) les appeler les FLEET ou les FOXES ?...

    repondre message

    • Fleet Foxes - Fleet Foxes 31 juillet 2008 16:12, par Marc

      Un des meilleurs albums de l’année sans aucun doute. Et ce n’est pas ce qui est sorti tout récemment qui va me faire changer d’avis. Sinon, Fleet Foxes, c’est déjà court, non ?

      repondre message

  • Fleet Foxes - Fleet Foxes 25 octobre 2008 21:29, par Francky 01

    Très bel article pour ce groupe majestueux. On est fin octobre et Fleet Foxes tourne toujours en boucle sur ma platine. Du folk lunaire remplie d’harmonies célestes, un ticket pour the (harvest)moon !! Un pur bijou, certainement un des meilleurs disques de 2008 !!!!
    Par des matins brumeux, pluvieux, Fleet Foxes est le soleil indispensable pour bien commencer la journée !!!!
    A +++

    repondre message

  • My Name Is Nobody - Merci Cheval

    La veille musicale est un engagement à temps plein. Une fois qu’on a aimé un.e artiste, il semble logique de suivre sa carrière. Pourtant il y a trop souvent des discontinuités. Mais il y a aussi des possibilités de se rattraper. La présence de Vincent Dupas au sein de Binidu dont l’intrigant album nous avait enchantés en était une. On apprend donc qu’il y avait eu un album en mars et l’occasion était (...)

  • The Decemberists – As It Ever Was So It Will Be Again

    Il y a quelque chose de frappant à voir des formations planter de très bons albums des décennies après leur pic de popularité. Six ans après I’ll Be Your Girl, celui-ci n’élude aucune des composantes de The Decemberists alors que par le passé ils semblaient privilégier une de leurs inclinations par album.
    On commence par un côté pop immédiat au très haut contenu mélodique. On a ça sur le limpide Burial (...)

  • Louis Durdek – Unnamed Road

    Les chanteurs français folk-rock qui s’expriment en anglais sont légion et nous ont déjà valu quelques bons moments. On ajoutera donc le Breton Louis Durdek à une prestigieuse lignée qui comprend aussi des artistes comme The Wooden Wolf, JJH Potter ou Gabriiel.
    Il est très compliqué de se singulariser stylistiquement sauf à quitter le genre, c’est donc la solidité des compositions et de (...)

  • Bélier Mérinos - Triste mais en tout temps joyeux

    On en a connu, des noms d’animaux. Etrange à dire sans doute, mais le nom derrière lequel se cache Geoffroy Pacot correspond plutôt à la musique, fondamentalement champêtre mais dénuée de pittoresque.
    Traduire un paysage en musique est sans doute une des entreprises les plus compliquées qui soient mais ce genre de post-rock bucolique y arrive, avec ce qu’il faut de field recordings et d’arpèges (...)