Accueil > Critiques > 2015

Noiserv - Almost Visible Orchestra

vendredi 11 décembre 2015, par marc


Non, ce ne sont pas les Portugais qui sont les plus nombreux sur ce site mais vous le savez, les découvertes sont toujours bienvenues ici. Cet album qui est sorti en 2013 n’arrive que maintenant chez nous, il a donc eu le temps de se créer une réputation flatteuse dans son pays d’origine. Mais l’origine n’est qu’anecdotique dans le cas qui nous occupe puisque cet album sait se rendre immédiatement familier. Il chante pourtant en Anglais, sauf sur la dernière plage Palco Do Tempo qui avec son intensité devient mon morceau préféré en Portugais (d’accord, c’est peut-être le seul que je connaisse…).

David Santos est donc un ancien ingénieur informaticien qui concocte seul cette musique qui pourrait tout aussi bien provenir de Portland, Oregon, la patrie de groupes comme Musée Mécanique. Donc cet Almost Visible Orchestra présente des symphonies de poche, avec de grandes mélodies à chaque fois et une voix attachante et pas plaintive. Moins mélancolique qu’un Sébastien Schuller, il emprunte aussi la voie lancinante.

C’est dans ces eaux-là qu’on ira chercher les références. Si c’est votre truc (c’est plutôt le mien), foncez sans vous retourner. Il revendique une influence de Yann Tiersen et on peut en effet la déceler parce que la musicalité est très poussée ici aussi, que les cloches et autres accordéons (ou sons proches mais toujours discrets) font partie de l’arsenal. On retrouve un son moins organique et quelques voix un peu étrangement bidouillées (le plutôt poignant I’m Not Afraid Of What I Can’t Do), qui est souvent le signe d’un artiste seul aux commandes (The Callstore, ce genre) qui visiblement apparaît seul sur scène.

Et en effet, il ne lui faut pas grand-chose pour nous faire fondre avec quelques notes de piano sur It’s Easy To Be A Marathoner Even If You Are A Carpenter. Oui, les titres sont souvent kilométriques, ce qui n’est pas l’idée du siècle pour ceux qui écrivent des articles et ne sont pas payés au signe mais on lui pardonne volontiers parce que ce n’est pas l’essentiel, on préférera se concentrer sur la très belle mélancolie de It’s Useless To Think About Something Bad Without Something Good To Compare avec sa guitare qui vient apporter sa dose de spleen. Le rythme ne s’affaisse jamais, c’est le spleen de la ritournelle, de la fanfare qui s’éteint, pas celle de la nudité. Il y a même un titre qui est Mr Carousel.

Même si le style est uniforme et bien balisé, on cherche les morceaux qui sont tout de même au-dessus des autres. Sad Story Of A Little Town est sans doute de ceux-là, ou alors Don’t Say Hi If You Don’t Have Time For A Nice Goodbye qui propose plus de rythme. Ce morceau reçoit d’ailleurs l’aide de Cascadeur. C’est sans doute fort bienvenu pour susciter l’intérêt mais on doit aussi être honnête et dire que cet album-ci est plus abouti que ce que fait le Français casqué.

Voilà, Noiserv est un talent surgi de Lusitanie pour notre plus grand plaisir, pour compléter notre panoplie de singer-songwriters sensibles, mélancoliques et pas neurasthéniques. A vous de jouer.

https://noiserv.bandcamp.com/album/almost-visible-orchestra-a-v-o-12-vinyl-2014
http://www.noiserv.net/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Sarah Mary Chadwick - Messages To God

    Dans une ère où toutes les émotions sont passées sous l’éteignoir d’une production qui lisse, il est plaisant de rencontrer des voix (forcément) discordantes comme celle de la Néo-Zélandaise Sarah Mary Chadwick sur son huitième album solo. On se frotte d’emblée à ce ton naturaliste et direct qui n’est pas sans rappeler Frida Hÿvonen. Frontal donc, d’une sincérité qui peut aller jusqu’au malaise. La dernière (...)

  • Anohni and the Jonsons - My Back Was a Bridge for You to Cross

    Une limitation connue de la critique est qu’elle intervient à un temps donné, dans un contexte. Or on sait que les avis ne sont jamais constants dans le temps. Ainsi si I am a Bird Now a beaucoup plu à l’époque, on le tient maintenant comme un des meilleurs albums de tous les temps, tous genres et époques confondus. Cette proximité crée aussi une attente quand que les Jonsons sont de nouveau de la (...)

  • Jungstötter - Air

    Quand on a découvert Jungstötter, c’était presque trop beau pour être vrai. En se situant aux confluents de tant de choses qu’on aimait comme Patrick Wolf ou Soap&Skin (dont il a assuré les premières parties) ou Anohni, il a délivré avec Love Is un de nos albums préférés de ces dernières années. C’était aussi l’occasion de retrouver des collaborateurs talentueux comme P.A. Hülsenbeck qui d’ailleurs est (...)

  • Lana Del Rey - Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd (...)

    Généreuse dans l’effort, Lana Del Rey l’est certainement, et il faut l’être pour livrer aussi régulièrement des albums aussi consistants. Surtout s’ils sont entrecoupés de recueils de poésie. Maintenant, on peut s’affranchir d’un rappel des faits précédents. On remontera juste jusqu’au formidable Noman Fucking Rockwell ! pour signaler qu’il y a eu deux albums jumeaux en 2021 qui l’ont vu à la fois revenir à (...)