Accueil > Critiques > 2009

Sophia - There Are No Goodbyes

mercredi 29 avril 2009, par marc

Etat dépressif stable


C’est à l’occasion d’un article pour radiolibre.be que je m’étais replongé dans les deux premiers albums de Sophia. Outre l’aspect madeleine inévitable, le temps a fait son œuvre et presque trié pour nous le plus conventionnel et les perles patentées. On a beau avoir découvert plein de choses pour notre plus grand plaisir (Gravenhurst, ce genre), il est toujours bon de retrouver un Woman ou un Bastards. Et puis, via un People Are Like The Seasons de bonne tenue, Robin Proper Sheppard avait ajouté un peu d’oxygène à ses morceaux. Toutes proportions gardées, c’est un peu ce qu’on a pensé de Cure après Pornography. Leur indispensable mais très noire trilogie était achevée et Robert Smith a sans doute pensé pour son salut que son avenir était ailleurs, dans des eaux moins troubles.

Etrangement, le succès de Sophia est surtout patent en Belgique et en Allemagne, ce qui m’a toujours étonné. Mais c’est aussi grâce à ça qu’il livre chez nous d’excellents concerts. J’ai en mémoire une fin de Pukkelpop où il était venu me mettre la couche de finition. Donc, après un Technology Won’t Save Us à côté duquel je suis passé comme beaucoup de monde, revoici donc cet homme-groupe si attachant. Cette trop longue introduction était nécessaire pour situer l’état d’esprit au moment d’aborder le dernier Sophia. Parce que pour le reste, c’est un pur album de Sophia, avec ses joies et ses limitations.

Et il y a en effet de bonnes choses dès l’engageant mid-tempo d’introduction. Et il arrive sans trop de peine à pousser l’intensité de chansons qui prennent un relief particulier. (Obvious et son gimmick à base de cloches). Pour le reste, la sècheresse extrême n’est plus au goût du jour et c’est plutôt une bonne nouvelle, même si l’uniformisation guette parfois (Storm Clouds) et que les éclairs électriques des albums précédents sont absents. La faute de goût semble de toute façon impossible chez lui et ses intonations un peu désabusées font toujours mouche, mais l’album en lui-même est un peu trop lisse pour que tous les morceaux puissent tirer leur épingle du jeu. C’est donc un album qu’on gobera d’un coup d’un seul, avec ses hauts et ses moyens, dans un spleen toujours impeccable.

Evidemment, si vous tendez l’oreille aux paroles (toujours intelligibles d’ailleurs), il garde son goût prononcé pour l’auto flagellation. C’est trop flagrant sur le respons de Something, sur un Signs qui n’aurait pas déparé sur les deux premiers albums ou encore le temps d’un Leaving (I Don’t Blame You For Leaving Me). Ce ne sont que quelques exemples, tout est du même tonneau. C’est son fonds de commerce, certes, mais on a l’impression que ses thèmes tournent un peu en rond et le sketch du chien battu ça va un peu mais à l’âge qui est le sien, d’autres sujets pourraient être abordés qu’un mal-être rabâché au premier degré. Il signale d’ailleurs dans les notes que c’est un album douloureux, qui a été douloureux à écrire, douloureux à enregistrer et douloureux à écouter pour lui. Un Robin heureux n’est sans doute pas envisageable, ni même peut-être souhaitable, mais force est de constater qu’autant de mal-être laisse circonspect.

Mais rien à faire, même si on connaît ses trucs par cœur et qu’aucun morceau ne vient renforcer sa légende, c’est encore la sympathie qui l’a emporté. Donc ceux qui gardent un souvenir ému de ce qu’il a pu nous apporter dans les années ’90 vont reprendre une bonne dose de nostalgie qui fait du bien par où elle passe. Par contre, ceux qui n’ont jamais goûté à la discographie pourront trouver ce spleen un peu vain.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

3 Messages

  • Sophia - There Are No Goodbyes 29 avril 2009 12:21, par Leroy Brown

    Je n’ai pas encore entendu sa dernière livraison mais je l’ai vu hier à un showcase au Café Central à Bxl et je me suis demandé également pourquoi les chansons étaient toujours aussi plombantes alors que lui-même semble plutôt jovial. Pas que je n’aime pas les chansons tristes (bien au contraire) mais il est vrai qu’un peu de légèreté serait la bienvenue ;)

    Voir en ligne : http://illgivehermelodies.blogspot.com

    repondre message

    • Sophia - There Are No Goodbyes 2 mai 2009 13:08, par Marc

      Bah, on ne le changera sans doute plus. Il ne faut pas non plus.

      Bonne chance pour ton nouveau blog ! On ira de temps à autre faire un tour par là-bas.

      repondre message

  • Sophia - There Are No Goodbyes 7 mai 2009 23:05, par Yann Lebout

    Je n’étais pas passé à côté du formidable instrumental d’ouverture "Technology won’t save us", mais il faut bien avouer que je trouvais déjà l’album fort lisse...

    Si celui-ci l’est aussi, je crois que je vais passer à côté.

    Voir en ligne : (H)o(u)tlines

    repondre message

  • Benni – Bleeding Colours (EP)

    Le circuit court est un principe vertueux qui doit s’appliquer à la musique aussi. Ceci a beau être un premier EP, quatre morceaux étant sortis déjà, la surprise est un peu éventée et l’attente attisée. On attendait cette première publication d’importance pour faire un premier point et il est éminemment positif.
    Dans la lignée d’une Phoebe Bridgers qui se confirme comme la figure tutélaire (…)

  • Beirut - A Study of Losses

    On vous avait déjà parlé de musiques de films, de séries, de documentaires, de spectacles de danse, d’installations et même de restaurants, on inaugure la musique de cirque. Dans le genre, difficile de faire plus raccord que le premier album de Beirut avec ses cuivres balkaniques. Mais le temps a passé et Zach Condon a consacré énormément d’efforts à sortir ce cet étroit carcan musical. Et ce (…)

  • Half Asleep – The Minute Hours

    C’est un chant doux et du piano qu’on entend sur le beau Mater qui lance cet album. Puis les choeurs évoquent plus le classique contemporain. Ce premier brillant morceau fait plus que planter le décor, il anticipe la diversité de ce qu’on entendra sur le sixième album de la musicienne Belge Valérie Leclerc.
    Si les références littérales sont rares, on peut néanmoins la situer dans un (…)

  • Bon Iver - Sable, Fable

    Au départ de ce cinquième album de Bon Iver (ça se prononce à la française, on le rappelle) était l’EP SABLE qu’on retrouve en intégralité à l’entame de ce Sable, Fable. Tant mieux tant Things Behind Things behind Things avait plu. Sans revenir à la simplicité folk de For Emma, Forever Ago, il est assez limpide et immédiatement attachant. La guitare acoustique est bien de sortie sur S P E Y S (…)