lundi 12 juillet 2010, par
Esprit de synthèse
Tout récemment, Marc nous signalait – à raison – la baisse de régime accusée par Wolf Parade sur son dernier album. À défaut de panacée, l’alternative pourrait s’appeler Suckers, et je suis d’autant plus ravi de poser cette suggestion sur la table que ce quartette de Brooklyn – oui, désolé – m’était inconnu jusqu’il y a quelques semaines. Parce qu’on n’aborde jamais la découverte d’un album avec davantage de plaisir que lorsque le talent de ses auteurs est en soi une surprise. Vous aurez compris que pour ce qui me concerne, c’était le cas des Suckers, quand bien même “Wild Smile” est visiblement sur le point de bénéficier d’une hype king size.
Ce ne serait que justice. En cette période de disette où l’indie nord-américain a franchement tendance à s’essouffler, voilà donc un groupe qui ne propose strictement rien de neuf mais évite à tout le moins de mener son embarcation vers les récifs de l’aseptisation, résistant à ce chant des sirènes qui ont fait sombrer plus d’un Ulysse en l’espace de quelques mois. Le son est propre sur lui mais jamais lisse, témoins les pistes qui s’empilent sur Save Your Love For Me, telle une mêlée de rugbymen indisciplinés. Un falsetto bancal ici, là un solo monté sur échasses, le tout sur une rythmique qui a oublié son savoir-vivre, et c’est parti pour six minutes de capharnaüm rock... savamment mélodique.
C’est dans cette indécision permanente entre évidence et sentiers buissonniers que les Suckers parviennent à brouiller les pistes et prouvent qu’ils ne sont pas si idiots que ça. Black Sheep offre de saines montées de tension, temporise, repart de plus belle : ça sonne plus que jamais comme le single qui a manqué à Wolf Parade, la parenté des timbres vocaux de Quinn Walker et de Spencer Krug n’en figurant pas la moindre raison. La connexion semble pourtant s’arrêter à cette deuxième plage. Au-delà, c’est comme si les Suckers cherchaient à faire la synthèse de tout ce que l’indie-rock a pu proposer d’excitant ces dix dernières années.
On entend donc pêle-mêle ces guitares effilées de guingois, comme des pointes grossièrement taillées au couteau (Before Your Birtday), ces chœurs qui ont du cœur (le funky Loose Change, l’immense It Gets Your Body Movin’), ces gimmicks étrangers à la vulgarité (Roman Candles et ses sifflements joviaux, ponctués de couplets dignes de Clap Your Hands Say Yeah, ou le riff enfumé de King of Snakes), et puis régulièrement, une vraie caresse de soleil qui plonge plusieurs morceaux dans un bain délicatement exotique. Martha commence comme du bon Calexico sur fond de trompettes mariachi et, en ouvrant grand ses bras à une pop flottante, délivre une saveur sucrée-salée du meilleur ton. Avec ses relents bien canalisés d’afro-pop, You Can Keep Me Runnin’ Around rappelle qu’il n’y a pas que Vampire Weekend dans la vie. Quant à la petite perle A Mind I Knew, elle lutine à la croisée de chemins déjà empruntés par Menomena, TV On the Radio ou les Wild Beasts.
Rien de neuf, vous disais-je, mais un don assez admirable pour puiser dans le meilleur de tout ce que compte l’ancien. Énièmes dans leur catégorie, les Suckers ont en tout cas ce mérite : ce sont les premiers, cette année, à me réconcilier avec un certain rock nerdy qui, refusant de se mordre la queue, finissait par mâchouiller les mauvais râteliers. On ne va donc pas leur reprocher de s’inspirer avec tant de bon goût. Après tout, comme disait Alphonse Karr, « on n’invente qu’avec le souvenir ».
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