Accueil > Critiques > 2008

Cat Power - Jukebox

mercredi 13 février 2008, par Paulo

La danse du chat


C’est en tentant d’écrire cet article que je me rend compte de la difficulté de parler de Cat Power et du présent album, que je comprends pourquoi Marc y a renoncé. Car de Cat Power se libère un sentiment incertain, un sentiment particulier pour cet album, d’accroche forte et de répulsion qui au final tend peut-être vers le piège de l’indifférence. Ce sentiment ne date pas d’hier, déjà il y a quelques années lorsque j’avais entendu parler de Chan Marschall, j’avais tenté d’écouter mais sans doute, alors plus accro à l’électronique, je n’étais pas prêt pour ses compositions minimalistes de guitare-voix. Il faut ajouter que c’était avant le revival folk (2005-2006) et qu’elle ne bénéficiait alors pas de cette lumière.

Aujourd’hui Cat Power revient avec Jukebox, un album de reprises essentiellement. D’abord aperçu en live sur mon poste de télévision polychrome (->c’est même ici http://www.youtube.com/watch?v=DWkFWrsp6as), je n’ai pas pu m’en décoler, la demoiselle a un attitude attrayante, charmante, elle chante New York, titre popularisé par Minelli ou Sinatra, une timbre de voix très chaud, parfois poussé à l’exagération. Elle est accompagnée de bons musiciens, de bons instruments, la configuration a tout pour plaire.

D’emblée, en écoutant l’album, on prend conscience que l’image précédente manque à l’album, ce qui fait dire que Cat Power est faite pour le live. Il y a comme un potentiel insuffisamment exploité dans sa voix, on touche quelque chose sur New York, mais on en voudrait un petit peu plus dans son abnégation artistique pour pouvoir accrocher plus aisément.

Jukebox est donc composé de reprises de grands noms parmi les Billie Hollyday, Bob Dylan, Janis Joplin, Joni Mitchell, James Brown mais également Chan Marschall elle-même comme la reprise de Metal Heart de 1998 qui n’a rien à envier aux autres. Une seule piste originale à cet album, c’est "Song to Bobby", que l’on attribuerait bien à l’une des influences citées précédemment mais qui est pourtant bien signé par Chan Marschall.

On devra fouiller et chercher le détail qui fait la différence pour apprécier, comme cette mélodie minimaliste de piano sur la reprise de Billie Hollyday "Don’t Explain".

A moins d’être un fan absolu, il faut forcer l’écoute pour apprécier pleinement cet album. Cependant pour les adeptes de cette culture blues, il peut aussi être intéressant, il serait en effet sympa de rechercher et de comparer les versions originales. Cet album a le mérite de les présenter sous un aspect similaire, d’unifier ces diverses compositions.

J’ai l’impression d’être négatif au sujet de cet album alors que justement je ne suis pas mécontent de m’y être intéressé. Je crois finalement que c’est un album qui peut s’écouter sur la durée, un classique indémodable (à part Aretha, Sing One for Me qui parait déjà dépassé), et que Chan Marschall est une de ces artistes qui, au contraire des étoiles fillantes, brillera pour l’ensemble de sa carrière. L’avenir nous le montrera. Car le phénomène Cat Power n’est pas née d’hier, Jukebox est en effet son 8ème album, il est bon, il n’est pas aussi exaltant que les The DO ou Brisa Roché du moment mais Chan Marschall brille par sa constance, sa présence et ses influences.

http://www.myspace.com/catpower

    Article Ecrit par Paulo

Répondre à cet article

  • Kevin Galland - In The Silence Between Worlds

    Les énervés suisses de Coilguns sont décidément déconcertants. Outre les albums de leur groupe de base qui a pu nous réjouir, ils ont en sus de passionnantes carrières parallèles qui s’éloignent de l’épicentre dans des directions différentes. Encore plus radicales avec Trounce, expérimentale mais plutôt pop avec Louis Jucker, presque folk avec Elie Zoé (on en reparle à la rentrée) et (…)

  • Patrick Wolf – Crying The Neck

    Après un silence de plusieurs années pendant lequel on avait accepté l’idée que la somme Sunlights and Riverlights serait notre album de référence, il était revenu en 2024 avec un EP assez emballant qui donnait l’espoir d’en entendre plus.
    Et s’il a attendu 14 ans avant de revenir avec un tout nouvel album sous le bras, ce n’est pas pour passer par la porte de service mais par la toute (…)

  • Benni – Bleeding Colours (EP)

    Le circuit court est un principe vertueux qui doit s’appliquer à la musique aussi. Ceci a beau être un premier EP, quatre morceaux étant sortis déjà, la surprise est un peu éventée et l’attente attisée. On attendait cette première publication d’importance pour faire un premier point et il est éminemment positif.
    Dans la lignée d’une Phoebe Bridgers qui se confirme comme la figure tutélaire (…)

  • Beirut - A Study of Losses

    On vous avait déjà parlé de musiques de films, de séries, de documentaires, de spectacles de danse, d’installations et même de restaurants, on inaugure la musique de cirque. Dans le genre, difficile de faire plus raccord que le premier album de Beirut avec ses cuivres balkaniques. Mais le temps a passé et Zach Condon a consacré énormément d’efforts à sortir ce cet étroit carcan musical. Et ce (…)

  • Soap&Skin - Torso

    On ne peut pas dire que l’exercice de l’album de reprise soit notre préféré. Si c’est amusant à petites doses, l’aspect presque toujours hétéroclite de reprises diverses par un.e artiste ou de rerpises d’un.e artiste par une multitude est souvent rébarbatif. Mais avec une forte personnalité musicale établie avec parcimonie lors de ces 15 dernières années, on savait que la cover était un des (…)

  • Solah - Ballades

    On le sait, ce qu’on reprend est moins important que la façon dont on le reprend. Quand on prend connaissance des morceaux présents ici, il faut dire qu’un petit frisson parcourt l’échine. On dira pudiquement qu’ils sont éloignés de l’univers musical dont on cause ici. Il y a d’inoxydables classiques, certes, mais on reste proche des heures sombres de Nostalgie.
    Grégory Duby officie souvent (…)

  • Theophilus London - This Charming Mixtape

    Si c’est offert, je me sers...
    Le statut de ce Theophilus London est un peu difficile à comprendre au regard de cette Charming Mixtape sortie en ce début 2009. Rapporté comme étant un jeune Mos Def, il semblerait ainsi que ce soit un MC, un vocaliste jammant dans les clubs de Brooklyn, sur des beats composés ou mixés par MachineDrum.
    Et pour ceux qui s’intéresse au style, aux (…)

  • Frank Riggio - Anamorphose

    The Tobin Replica
    Résumons, j’avais déjà introduit le travail de Frank Riggio dans la critique de son premier album Visible In Darkness l’année dernière, et tenté de décrire son univers, de pister ses influences parmi les Cinematic Orchestra, Bonobo, DJ shadow, et bien évidemment Amon Tobin.
    Si ce premier album marquait encore une certaine distance avec ce dernier, force est de constater (…)