Accueil > Critiques > 2023

boygenius – The Record

lundi 17 avril 2023, par marc


Sororité est sans doute le premier mot qui vient en tête à l’évocation de boygenius. Depuis ce live de KEXP où elles sont accueillies par Sheryl Waters, on a fondu pour cet incroyable trio. A priori, leur seul EP de 2018 n’appelait pas de suite mais comme c’est visiblement l’envie seule qui les guide ici, elles ont voulu prolonger l’expérience. Il faut dire que la démarche n’était pas celle d’un super-groupe à la base, pas une conjonction opportuniste de talents. Et puis surtout, leur notoriété est maintenant plus établie qu’à l’époque et va sans doute encore croitre avec la réussite et le succès de ce génériquement nommé The Record. Et elles se sont faites de nouvelles amies puisque c’est Kristen Stewart qui a réalisé le court-métrage (trois clips en fait) qui présente l’album.

Evidemment, si elles ont l’air de s’entendre à la perfection, leur statut individuel n’est pas le même. Phoebe Bridgers est déjà une icône. Ou alors c’est parce que c’est celle qu’on connait le mieux depuis ce premier album de Better Oblivion Community Center et ses collaborations avec The National. Et surtout ce magnifique Punisher. On a aussi bien aimé Little Oblivions de Julien Baker et on doit avouer qu’on est moins familier de la carrière solo de Lucy Dacus. Mais ce qui est frappant ici, c’est que même si elles écrivent alternativement, il y a une vraie direction.

Comme sur les groupes à plusieurs têtes (on pense à Wolf Parade) où un peu d’entrainement est nécessaire pour distinguer qui est à la manœuvre, il faut parfois tendre l’oreille pour savoir qui chante parce que ces artistes sont parfaitement assorties. Et ça commence de façon pastorale parce que c’est le plaisir de chanter ensemble est le moteur. Même quand ça hurle c’est avec classe. Les morceaux de Julien Baker sont en tous cas bien relevés (Satanist).

Si tout n’est pas sublime, on ne descend jamais en-dessous d’un certain niveau et un morceau comme Not Strong Enough arrive à se relancer et prouve qu’il y a une vraie plus-value à toutes les entendre chanter. On songe aussi dans ces moments-là au meilleur Bright Eyes comme sur l’excellente montée de $20. Cool About it a la simplicité classique d’un Simon & Garfunkel mais des préoccupations moins vintage. Bridgers fait toujours appel à Eliott Smith comme figure tutélaire (Revolution 0), référence qu’elles ont toutes citée à un moment ou l’autre. Leonard Cohen est cité aussi mais dans une veine plus ironique (And I am not an old man having an existential crisis/At a Buddhist monastery writing horny poetry).

Comme c’est surtout dans la finesse d’écriture qu’elles se distinguent, cet album est tout sauf racoleur. Il faut prendre son temps pour l’appréhender complètement. Mais il plait tout de suite, notamment grâce au capital sympathie immense des trois protagonistes. Et puis la certitude qu’on est face à un Girl Power 3.0, avec une force d’évocation que rien ne semble pouvoir ébranler.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

2 Messages

  • boygenius – The Album 17 avril 2023 14:40, par Laurent

    Tellement bon et en même temps, tellement moins que ce qu’on avait espéré (à cause des disques solo de ces dames). Il reste tout de même quelques titres mémorables et cette sororité touchante. En concert, ce sera sans doute formidable, mais elles ne viennent que dans les festivals...

    repondre message

    • boygenius – The Album 19 avril 2023 07:48, par Marc

      Oui, c’est un groupe qui a un vrai grand succès maintenant, on ne les verra plus dans des petites salles. Cette habitude de ne faire que des festivals n’est pas vraiment réjouissante.

      repondre message

  • Benni – Bleeding Colours (EP)

    Le circuit court est un principe vertueux qui doit s’appliquer à la musique aussi. Ceci a beau être un premier EP, quatre morceaux étant sortis déjà, la surprise est un peu éventée et l’attente attisée. On attendait cette première publication d’importance pour faire un premier point et il est éminemment positif.
    Dans la lignée d’une Phoebe Bridgers qui se confirme comme la figure tutélaire (…)

  • Beirut - A Study of Losses

    On vous avait déjà parlé de musiques de films, de séries, de documentaires, de spectacles de danse, d’installations et même de restaurants, on inaugure la musique de cirque. Dans le genre, difficile de faire plus raccord que le premier album de Beirut avec ses cuivres balkaniques. Mais le temps a passé et Zach Condon a consacré énormément d’efforts à sortir ce cet étroit carcan musical. Et ce (…)

  • Half Asleep – The Minute Hours

    C’est un chant doux et du piano qu’on entend sur le beau Mater qui lance cet album. Puis les choeurs évoquent plus le classique contemporain. Ce premier brillant morceau fait plus que planter le décor, il anticipe la diversité de ce qu’on entendra sur le sixième album de la musicienne Belge Valérie Leclerc.
    Si les références littérales sont rares, on peut néanmoins la situer dans un (…)

  • Bon Iver - Sable, Fable

    Au départ de ce cinquième album de Bon Iver (ça se prononce à la française, on le rappelle) était l’EP SABLE qu’on retrouve en intégralité à l’entame de ce Sable, Fable. Tant mieux tant Things Behind Things behind Things avait plu. Sans revenir à la simplicité folk de For Emma, Forever Ago, il est assez limpide et immédiatement attachant. La guitare acoustique est bien de sortie sur S P E Y S (…)

  • Swans – Birthing

    On ne s’attaque pas à un album de Swans à la légère, on le sait. D’ailleurs, leur album précédent qui semblait plus accueillant de prime abord le rendait aussi moins intéressant.Ils semblent avoir changé d’avis et reviennent donc à une ampleur impressionnante, estimant sans doute qu’un goût de trop est préférable à un goût de trop peu.
    Aucune chance de ‘trop peu’ avec le format d’abord, 7 (…)

  • Matt Berninger – Get Sunk

    Pourquoi se lancer en solo ? C’est une question qui revient souvent pour les artistes ayant plusieurs projets en parallèle. Et la réponse varie en fonction de la personne, certes, mais aussi du contexte. Ce n’est évidemment pas pour combler un grand vide productif que Matt Berninger sort son second album sous son nom, The National est bien actif et au top de sa popularité comme en témoignait (…)

  • Cross Record – Crush Me

    Depuis eux albums, Cross Record est le projet solo d’Emily Cross. Chanteuse de Loma, elle agit aussi en tant que ‘Death Doula’, autrement dit en assistant des fins de vie. Elle a aussi quitté son Texas pour le Dorset et est devenue mère, ce qui ne doit pas être un mince ajustement. Donc quand on décèle que c’est une chanteuse habitée, tout ce substrat prend son sens, prend chair même. (…)

  • Youth Lagoon - Rarely Do I Dream

    Comme un Perfume Genius qui a émergé à la même époque, Trevor Powers est passé de petit génie de la bedroom pop intime à singer/songwriter aux possibilités pas encore complétement cernées. Le point de départ de cet album est la découverte d’anciennes vidéos de son enfance retrouvées dans la cave de ses parents. C’est pourquoi on entend beaucoup d’extraits de vidéos, de conversations. (…)